vendredi 21 août 2015
Le 18/08/2015
L'arrivée de l'Aranui n'a pu garnir l'unique petit magasin du village : je ne peux qu'acheter des tomates et un poulet transgénique congelé ! Ici il faut se débrouiller par ses propres moyens pour subvenir à ses besoins !
Aux Marquises l'eau de la mer est trouble, il y a nettement moins de poissons qu'aux Tuamotu et certains sont atteints de ciguatera. Du coup, Marco ramène beaucoup moins de poissons. Pour pallier à cela, nous tentons la pêche à la langouste en plongée nocturne avec le fusil. Je laisse bien volontiers ma place à Marco pour aller plonger dans ce noir absolu, je préfère assurer la surveillance et l'éclairage à l'intérieur de l'annexe. Marco rejoint les profondeurs en apnée, avec sa torche guettant les yeux lumineux convoités. Mais il ne rencontrent que des poissons endormis. A la surface, par contre, plein d'yeux fluorescents me regardent et tournent autour de moi sans que je puisse en identifier l'origine... Les apnées de mon homme se font de plus en plus longues avec l'expérience et je dois dire que parfois je les trouve un peu trop longues, surtout dans l'obscurité totale...
Il m'en aura fait faire de ces trucs, celui-là !!!
Mon chasseur est toujours à l'affut de tuyaux pour nous ramener de quoi bouffer. Il entend parler par les locaux de la chasse à la chevrette. La chevrette est une espèce d'écrevisse, crevette vivant dans l'eau douce. Après avoir glané les informations nécessaires, nous achetons un pic à chevrette, nous lui fabriquons un manche, en allant couper une branche d’hibiscus ( souple et solide) et nous voilà partit à la rivière. En principe c'est plutôt de nuit qu'il faut y aller, mais mon chasseur veut se faire la main...
Je rigole en le voyant à poil avec son masque et son pic à chevrette dans quelques centimètres d'eau, arpentant la rivière !
Mais sa ténacité est gagnante, il arrive à nous en ramener quelques unes, qui finirons à la poêle le soir même : un pur délice !!!
Nous avons ouïe dire que de l'autre côté de l'île les chevrettes sont deux fois plus grosses. Qu'à cela ne tienne, nous préparons notre expédition... Pour se rendre à la baie de Ouia, il faut juste gravir la montagne (1000mètres) suivre une crête et redescendre jusqu'à la mer. C'est là, qu'à vécu Thor Heyerdahl et sa femme. Je vous conseille d'ailleurs vivement ses livres extraordinaires comptant ses aventures sur un radeau dans le pacifique et son vécu ici aux Marquises « Kon Tiki et Fatuiva.. »
19/08
Dès que le soleil se lève nous entreprenons la montée, chargé d'un sac à dos avec tente et quelques victuailles. Notre raid commence. A vrai dire c'est plus que raide !
Le semblant de sentier est recouvert par la végétation et c'est avec le coupe coupe qu'il faut se frayer un chemin.
La terre est détrempée ce qui facilite grandement les chutes surtout à la descente. On se met de bonnes gamelles en se raccrochant aux herbes ou branches, ou on finit notre chute arrêté dans un arbre plus bas !!!
Le paysage est néanmoins magnifique, nous traversons différentes strates de végétations, selon l'altitude : herbes, fougères, forêts tropicales, forêt de bambou, roches... La végétation est dense, luxuriante : beaucoup d’énormes manguiers sauvages ( on regrette que cela ne soit pas la saison!), des orangers...
Après plus de 7 heures de marche sportive, nous arrivons enfin dans la baie où se trouve un campement établit par les gars qui viennent faire le copra.
On se demande comment ils peuvent accoster sur cette côte Est, en voyant les grosses vagues qui viennent s'éclater sur les galets ?
A peine arrivé, les moustiques, les nonos se jettent sur nous avec voracité. Nous plantons rapidement la tente pour aller se mettre à l'abri de ces saloperies, et reposer un peu nos gambettes.
L'heure de la chevrette a sonné, la nuit est là. Un ruisseau se trouve juste à côté du campement, armés de nos pics, nous allons chercher notre diner. Marco va explorer les lieux avec sa frontale, plein d'yeux brillants de chevrettes clignotent, mais il y a également, d'énormes anguilles de plus d'un mètre quelque peu effrayantes. Elles n'hésitent pas à venir mordre et attaquer le pic que Marco leur tend afin de les repousser. Elles ont des têtes énormes, la gueule menaçante, des dents acérées, l'idée d'aller patauger avec elles ne me tente pas vraiment... Mais voyant Marco qui ne cesse de ramener les bébêtes convoitées, je me mets de la partie. Il faut être rapide et viser juste, car les bestioles sont vives !!! C'est mieux que la pêche aux canards des fêtes foraines ce jeux là !
A deux, on fait un carnage et de quoi se faire une bonne ventrée ! Une vieille poêle, un bon feu, et le fruit de notre chasse assurent notre régal. Et pour décor : des étoiles argentées, un feu crépitant et sa bonne odeur de bois, la musique du ressac et des criquets... Quelques yeux s'illuminent non loin, peut être des cochons sauvages ou des chèvres ?
Le lendemain, ce n'est pas aussi doux, il faut à nouveau crapahuter et le début est vraiment hard !!!
Entre coups de chaud, coups de pompe, chutes dans le décors, on arrive après 8 heures au bateau. Exténués, déshydratés, des ampoules plein les pieds, des bleus, mollets et bras lacérés par les herbes coupantes, mais contents ! Quoiqu'un peu trop long pour les marins que nous sommes !
Marco bénit la sainte vierge de nous donner de l'eau...
samedi 15 août 2015
EN ROUTE POUR LES MARQUISES
Le 06/08
Nous arrivons à la passe au lever du jour au moment de l'étale, une sortie tout en douceur...
Nous laissons derrière nous les eaux turquoises du lagon qui commencent à s'éclairer, et retrouvons le bleu outre mer du large. Le vent du Sud nous amène une bouffe de fraîcheur et je dois même mettre un sweat ce matin ! Nous hissons les voiles et pouvons mettre le régulateur d'allure au 90°. Nous sommes au travers, peu de houle, vent quelque peu asthmatique...
Nous longeons Raraka, mais pas d'arrêt...
La couverture nuageuse nous précède, nous restons dans son sillage, bénéficiant ainsi du vent qu'elle crée et de son orientation providentielle. De temps à autre, de francs rayons transpercent les cumulus, le paysage retrouve des teintes plus réjouissantes. Le bateau s'anime de bruits habituels propre aux navigations : claquements de voiles, grincement, couinements, clapotis de l'eau sur la coque... Mais le silence des profondeurs et celle de l'immensité viennent envelopper et atténuer ces bruits. Dans le cockpit ou sur le pont, on s'imprègne de cette atmosphère marine, de ses odeurs salines, laissant vagabonder nos esprits sur les contours arrondis de cette surface infinie.
En fin de journée, les oiseaux tournoient non loin de notre embarcation, laissant présager un banc de poissons... Effectivement, quelques instants plus tard, nos lignes s'agitent. Nous relevons notre première prise : un thon bien joufflu de 7kg, dont les mains expertes de mon pêcheur se chargent de le tuer et de le saigner. Sur l'autre ligne : le copain, mais encore plus balaise ; celui là, est décroché avec soin et libéré. Nous ne savons pas si nous arriverons à tout manger tellement les filets sont imposants. Cette chaire rouge et chaude a une odeur forte et tenace. Il faut dire que nous en avons tellement pêché et mangé durant nos longues traversées, qu'à présent on en est un peu écoeuré.
Mais comme côté frais nous n'avons plus rien à nous mettre sous la dent, on s'en contente...
Distance parcourue ce premier jour : 112 miles
Le 07/08 2eme j
Le vent toussote, crachote, s'essouffle durant la nuit ; nous mettons le moteur. Son bruit assourdissant, étonnement, nous aide à mieux dormir. Le ronflement régulier est si fort qu'il couvre tous les autres bruits du bateau, aussi nos têtes calées contre la paroi vibrante trouvent elles un peu de repos. Cette nuit, nous avons pu nous faire chacun notre tour, une tranche de 3 heures de sommeil, ce qui est bien ! Les quarts se font dans un noir absolu, pas une lumières, pas une étoile. Nous naviguons tels des aveugles, avec comme seuls repères pour tracer notre route, des petits cadrans lumineux où s'affichent des chiffres. J'ai parfois le sentiment d'être seule au monde, enveloppée dans le noir manteau de la voûte céleste, cela me donne la chaire de poule...
Au lever du jour, la grisouille enveloppe à nouveau notre univers, Nous suivons toujours la zone nuageuse. Qui produit le vent en notre faveur, il a repris un peu du poil de la bête mais demeure quelque peu inconstant. Les voiles nous propulsent toujours plus au Nord Est.
Distance parcourue ce 2eme j : 120 miles
Le 08/08 3eme j :
Cette nuit le vent forcit et des grains s'enchaînent, nous obligeant à rester dans le cockpit pour contrer la puissance des rafales sur le régulateur d'allure. Le vent tourne davantage au Sud Est, nous sommes travers- bon plein, les vagues peuvent ainsi nous montrer ce qu'elles ont dans le ventre en cognant sur la coque. Trouver un bon calage pour dormir, s'avère mission impossible. Le cerveau de toute façon reste en activité de surveillance, s'il s'assoupit quelques secondes, les impacts se chargent de lui mettre une décharge de réveil.
Au matin, les grains nous lâchent. Nous retrouvons un vent plus régulier et le soleil vient lécher nos têtes endormies. Un petit thon s'accroche à la ligne, mais nous le remettons à l'eau, en espérant qu'une Coryphène vienne nous rendre visite...
Notre téléphone irridium assurant la prise météo, est hors service depuis l'année dernière. Du coup Marco tente chaque jour de s'informer sur les prévisions avec sa petite radio sur Polynésie Première. Il tourne dans tout l'espace du bateau et à l'extérieur pour tenter de capter les ondes. L'oreille collée au poste, il reçoit parfaitement les grésillements et les bruits parasites, mais un peu moins la voix. Parfois les mots magiques arrivent par cette boîte avec toujours le même refrain depuis que nous l'allumons :
« Vent de secteur Est 17 à 21 nœuds, rafale à 30 nd. » En fait, on se demande pourquoi nous écoutons cette météo locale qui invariablement annonce toujours la même chose ! On peut pas dire que côté météo, ils soient à la pointe ici ! Mon frère Robin de France, nous donne de biens plus fiables prévisions par texto ( lorsque nous pouvons avoir une connexion téléphonique).
Nous savons qu'en s'approchant des Marquises nous aurons droit à des alizés musclés d'Est. C'est pourquoi nous remontons vers les îles du Désappointement, afin de conserver un bon angle pour les derniers jours.
Le manque de sommeil nous colle aux basques, mais nous n'arrivons pas à dormir. On connait cet état propre aux traversées et c'est certainement ce qui nous rebute un peu.
En fin de journée le vent prend des tours et vire davantage à l'Est, nous obligeant à réduire rapidement toutes les voilures. Nous prenons 2 ris à la grand voile, mettons le tourmentin. Une grosse mer se forme, certaines crêtes déferlent, le ciel s'assombrit et les rafales s'intensifient.
Un service de douche efficace se voit assuré à l'extérieur, et à l'intérieur la station debout se voit proscrite. Des objets bien identifiés volent dans l'habitacle, les placards s'ouvrent, se déversent.
Le 09 /08 4eme j
Cette nuit, nous sommes au près, voile réduite au maximum afin de ne pas avoir à trop sortir pour assister le régulateur. Ni Marco, ni moi, n'apprécions les douches nocturnes et nous ne tenons pas à nous faire pousser par une vague dans le chaudron noir bouillonnant. Le shaker est en route : nos pauvres corps se font bien secouer : l'appétit se réduit, tout comme les déplacements, le sommeil, le temps de parole, également.... Chacun reste dans son coin silencieux, calé comme on peut dans nos cabines, attendant que cela passe. Nous expérimentons allongés la pression, l'apesanteur, la lévitation, la force centrifuge, la compression, le balancement sous toutes ses formes... Les courbatures apparaissent au niveau du cou, des épaules, hanches... juste pour maintenir la position horizontale !!!
En fait, nous sommes en train de traverser la zone de convergence que nous suivions. Grâce à elle nous avons pu bénéficier de vent porteurs durant ces 3 derniers jours, à présent, nous en subissons ces méfaits. C'est la rançon !
Le 10/08 5eme j
Vent, rafale, pluie, houle se déchaînent. Cette nuit, il nous faut éponger les cales remplies d'eau de mer s'infiltrant par les coffres. Durant mon quart, le bateau empanne d'une façon soudaine. Dans le cockpit on s'agite pour redresser au plus vite la situation. Le pilote à vent a perdu la boule et tente à nouveau de nous refaire le même coup. Nous devons le relever et constatons qu'il y a un problème à la pale dans l'eau. L'intervention nocturne est trop risquée avec le violent tangage, les vagues qui passent par dessus bord, on verra ça demain, en attendant on branche notre petit pilote à bras.
On est épuisé, je finis par tomber quelques petites heures dans un sommeil agité.
Au matin, le décor n'est guère plus réjouissant que la veille : Une grosse mer grise, noire, reflète le ciel. Son mouvement ne nous permet plus de rester en position debout.
Marco met son harnais pour aller réparer le pilote dont les vis se sont desserrées. Au passage, il remet une ligne de traîne et se prend un seau d'eau en pleine gueule. Ce qui me fait rire, mais lui un peu moins.
« Putain c'est bon, là j'en ai marre, je me demande vraiment qu'est ce qu'on fout là. Non mais, tu vois pas l'enfer ! On ne dort plus, on peut même pas se tenir debout ou sortir... Je me demande quel plaisir on peut à avoir à naviguer ? »
On regagne nos cabines avec une certaine morosité pour de petits roupillons de 10 à 15 minutes. Dans l'après midi, j'entends un hurlement couvrant le barouf, je sors. C'est là que je me rends soudain compte de ce qu'inclinaison veut dire ! Marco a les deux mains sur la barre, debout en appuis sur le siège du bas, prêt à plonger en avant, le rail de Fargue dans l'eau, le bateau couché. Il n'arrive plus à le redresser tant la pression sur la barre est importante : la rafale de 35 nœuds, ne l'aide guère !
Il faut affaler une voile, le plus rapide c'est de tomber le tourmentin ! Je prends la barre tirant de toutes mes forces, pendant que Marco gagne l'avant se cramponnant à ce qu'il peut.
Une fois la voile affalée, ça va un peu mieux. Mais le vent continue d'hurler, l'océan répand sa rage noire et se déchaîne sur la surface de l'eau. C'est effrayant !
Le 11/08
Notre optimisme, voudrait que cette nuit soit plus clémente, mais elle est encore pire. Bien que nous ne sommes pas au cœur d'une tempête, loin de là, nous avons l'impression d'en vivre une, tant la mer est dégueulasse et traître. Les vagues passent par dessus bord et se répandent copieusement dans nos coffres, par les moindres interstices, inondant les cales du bateau et même la cabine avant. ( je ne parle pas de mon lit aussi) Toutes les demi heures, il nous faut écoper. Chaque sortie à
l'extérieur se solde par un seau d'eau en pleine poire. Le roulis a pris une intensité indescriptible, un cauchemar. Les grains s'enchaînent, le vent et les rafales ne faiblissent point.
Toutes manœuvres de voile sur le pont : hisser et affaler la grand voile, par exemple, sont redoutées... Avant de sortir on s'attache à la longe, on se répète la manœuvre à effectuer et courageusement on va se faire mouiller et rouster.
Aucun répi ne nous sera accordé jusqu'à fin. Nous avons un drôle de teint verdâtre. Marco me dit que l'on dirait que je viens de me prendre deux gnons dans les yeux, s'il voyait sa tronche, il ne la ramènerait pas...
Transperçant l'aube et les nuages, notre vue s'arrête enfin sur une île au relief surprenant. Fatu Hiva se rapproche, pour le moment tout paraît austère, avec ces teintes sombres autours de nous. Deux dauphins viennent cependant, nous faire un joyeux accueil.
Nous hésitons entre deux mouillages, un plus abrité du vent, mais avec de la houle : Omoa, ou un sans houles mais avec de bonnes rafales : celui de la baie des Vierges. Ce dernier est mythique, tout navigateur arrivant de la trans-pacifique s'y arrête. On dit que c'est un des plus beaux mouillages au monde côté décor. On opte pour celui-ci. A cette période de l'année le flot de bateaux est partit vers d'autres rivages, étant à contre courant de ce flux, nous devrions trouver aisément une place au mouillage.
Lorsque nous découvrons cette petite baie nous sommes éblouis !
De hautes montagnes vertes l'encerclent, des pitons, des roches aux formes surprenantes, des cocotiers, des vallées étroites verdoyantes : un véritable décor de cinéma. L'eau est lisse, malgré les bonnes rafales qui descendent des hauteurs, que de contrastes en quelques minutes. Deux autres bateaux sont là, nous arrivons aisément à trouver notre place au premier rang. Marco doit plonger toutefois plonger pour positionner l'ancre dans le sable. Epuisé, il trouve quand même le force de déplacer l'ancre sous l'eau en marchant par 10 mètres de profondeur ! Il ne cesse de m'épater mon ptit gars...
Malgré notre fatigue et cette navigation bien difficile, nous sommes soulagés et heureux d'avoir atteint les rivages de notre rêve Polynésien, celui des Marquises !!!
La baie des Vierges était autrefois nommée la baie des Verges, nos missionnaires se sont empressés de rajouter un i, pour détourner l'esprit trop évocateur de ce mot. Mais ce i n'enlève en rien l'insolence et la majesté de ces gros pitons dressés. Le petit village niché au bas de parois verticales accueille 500 habitants. Les petites maisonnettes sont fleuries entourées de végétation dense et d'arbres fruitiers : citronniers, orangers, papayers, pamplemoussiers, manguiers... Mais hélas, ici on ne trouve pas de légumes, personne ne cultive. L'abondance de fruits semble suffire aux besoins.
Nos premiers pas à terre ressemblent à ceux que l'on pourrait faire sur la lune : nous avons du mal à marcher droit, tout tangue, les odeurs nous assaillent avec intensité, les couleurs se plaquent sur notre cerveau créant des troubles de la vision... Une sorte d'ivresse se distille au plus profond de nous, le terrien retrouve ses repères et la joie l'envahie.
Pour s'imprégner davantage de la terre, nous rejoignons le lendemain, une cascade dans les montagnes pour y prendre un bain. Un véritable bain de jouvence, de fraîcheur où finissent de se dissoudre les dernières trace de cette traversée difficile.
On dit que plus on descend bas, on monte haut ! Là, cela se vérifie. Notre état de bien être atteint son paroxysme.
Nous ne tardons pas à faire la connaissance des autres navigateurs. A cette époque il ne reste plus que les baroudeurs ayant épousés la mer depuis de longues années. Aussi c'est toujours un régal que d'entendre leur récits et aventures.
Au village, nous sommes très sollicités par les habitants. On troque ainsi des cartouches de fusil contre du miel. Marco va réparer le branchement d'un congélateur contre des bananes et fruits, chez un autre une lampe torche, on échange des piles et toute sorte de petites choses dont les gens ont besoin. Ayant réparé les branchement électriques du congélateur, cela lui vaut le titre de réparateur électricien, frigoriste, du coup son carnet de rendez vous se remplit !!!
Le fait, que ce lieu soit fréquenté par le tourisme à une certaine période de l'année a créé des envies et besoins qu'ils n'avaient pas avant. Par exemple : c'est le seul village où les enfants demandent des bonbons...
L'appel de la terre est fort, aussi chaque jour, nous partons crapahuter dans ces lieux de splendeur et achevons la journée par un bain dans les rivières ou cascades.
Etonnement, bien que nous soyons plus proche de l'équateur nous avons moins chaud qu'aux Tuamotu. Le haut relief retient les nuages et un courant d'eau frais circule dans ces mers, amenant ainsi une température raisonnable de 25° à 28°c.
Nous avions craint que notre passager le gecko se soit fait emporter par les flots lors de notre traversée, mais non, il est là, tout aussi amaigris que nous, mais bien vivant ! Ses ventouses ont dû lui sauver la vie, à moins qu'il n'ait trouvé refuge dans un coin des toilettes proche de son garde manger : les fourmis. ( Elles nous accompagnent depuis Raïatéa).
L'Aranui, un cargo effectuant la livraison de marchandises entre Papeete et les Marquises vient de débarquer au mouillage, avec 200 passagers à bord. Depuis quelques années l'Aranui propose une sorte de croisière découverte des différents archipels, tout en transportant matériaux et nourritures.
L'arrivée de ces touristes met le village en ébullition, des stands de sculptures sont installés sur les quai, des danses leur sont offertes. Tout ce petit monde ( constitué principalement de personnes âgées) découvre le temps d'une journée un lieu différent avec quelques animations proposées à chaque escale.
Le 06/08
Nous arrivons à la passe au lever du jour au moment de l'étale, une sortie tout en douceur...
Nous laissons derrière nous les eaux turquoises du lagon qui commencent à s'éclairer, et retrouvons le bleu outre mer du large. Le vent du Sud nous amène une bouffe de fraîcheur et je dois même mettre un sweat ce matin ! Nous hissons les voiles et pouvons mettre le régulateur d'allure au 90°. Nous sommes au travers, peu de houle, vent quelque peu asthmatique...
Nous longeons Raraka, mais pas d'arrêt...
La couverture nuageuse nous précède, nous restons dans son sillage, bénéficiant ainsi du vent qu'elle crée et de son orientation providentielle. De temps à autre, de francs rayons transpercent les cumulus, le paysage retrouve des teintes plus réjouissantes. Le bateau s'anime de bruits habituels propre aux navigations : claquements de voiles, grincement, couinements, clapotis de l'eau sur la coque... Mais le silence des profondeurs et celle de l'immensité viennent envelopper et atténuer ces bruits. Dans le cockpit ou sur le pont, on s'imprègne de cette atmosphère marine, de ses odeurs salines, laissant vagabonder nos esprits sur les contours arrondis de cette surface infinie.
En fin de journée, les oiseaux tournoient non loin de notre embarcation, laissant présager un banc de poissons... Effectivement, quelques instants plus tard, nos lignes s'agitent. Nous relevons notre première prise : un thon bien joufflu de 7kg, dont les mains expertes de mon pêcheur se chargent de le tuer et de le saigner. Sur l'autre ligne : le copain, mais encore plus balaise ; celui là, est décroché avec soin et libéré. Nous ne savons pas si nous arriverons à tout manger tellement les filets sont imposants. Cette chaire rouge et chaude a une odeur forte et tenace. Il faut dire que nous en avons tellement pêché et mangé durant nos longues traversées, qu'à présent on en est un peu écoeuré.
Mais comme côté frais nous n'avons plus rien à nous mettre sous la dent, on s'en contente...
Distance parcourue ce premier jour : 112 miles
Le 07/08 2eme j
Le vent toussote, crachote, s'essouffle durant la nuit ; nous mettons le moteur. Son bruit assourdissant, étonnement, nous aide à mieux dormir. Le ronflement régulier est si fort qu'il couvre tous les autres bruits du bateau, aussi nos têtes calées contre la paroi vibrante trouvent elles un peu de repos. Cette nuit, nous avons pu nous faire chacun notre tour, une tranche de 3 heures de sommeil, ce qui est bien ! Les quarts se font dans un noir absolu, pas une lumières, pas une étoile. Nous naviguons tels des aveugles, avec comme seuls repères pour tracer notre route, des petits cadrans lumineux où s'affichent des chiffres. J'ai parfois le sentiment d'être seule au monde, enveloppée dans le noir manteau de la voûte céleste, cela me donne la chaire de poule...
Au lever du jour, la grisouille enveloppe à nouveau notre univers, Nous suivons toujours la zone nuageuse. Qui produit le vent en notre faveur, il a repris un peu du poil de la bête mais demeure quelque peu inconstant. Les voiles nous propulsent toujours plus au Nord Est.
Distance parcourue ce 2eme j : 120 miles
Le 08/08 3eme j :
Cette nuit le vent forcit et des grains s'enchaînent, nous obligeant à rester dans le cockpit pour contrer la puissance des rafales sur le régulateur d'allure. Le vent tourne davantage au Sud Est, nous sommes travers- bon plein, les vagues peuvent ainsi nous montrer ce qu'elles ont dans le ventre en cognant sur la coque. Trouver un bon calage pour dormir, s'avère mission impossible. Le cerveau de toute façon reste en activité de surveillance, s'il s'assoupit quelques secondes, les impacts se chargent de lui mettre une décharge de réveil.
Au matin, les grains nous lâchent. Nous retrouvons un vent plus régulier et le soleil vient lécher nos têtes endormies. Un petit thon s'accroche à la ligne, mais nous le remettons à l'eau, en espérant qu'une Coryphène vienne nous rendre visite...
Notre téléphone irridium assurant la prise météo, est hors service depuis l'année dernière. Du coup Marco tente chaque jour de s'informer sur les prévisions avec sa petite radio sur Polynésie Première. Il tourne dans tout l'espace du bateau et à l'extérieur pour tenter de capter les ondes. L'oreille collée au poste, il reçoit parfaitement les grésillements et les bruits parasites, mais un peu moins la voix. Parfois les mots magiques arrivent par cette boîte avec toujours le même refrain depuis que nous l'allumons :
« Vent de secteur Est 17 à 21 nœuds, rafale à 30 nd. » En fait, on se demande pourquoi nous écoutons cette météo locale qui invariablement annonce toujours la même chose ! On peut pas dire que côté météo, ils soient à la pointe ici ! Mon frère Robin de France, nous donne de biens plus fiables prévisions par texto ( lorsque nous pouvons avoir une connexion téléphonique).
Nous savons qu'en s'approchant des Marquises nous aurons droit à des alizés musclés d'Est. C'est pourquoi nous remontons vers les îles du Désappointement, afin de conserver un bon angle pour les derniers jours.
Le manque de sommeil nous colle aux basques, mais nous n'arrivons pas à dormir. On connait cet état propre aux traversées et c'est certainement ce qui nous rebute un peu.
En fin de journée le vent prend des tours et vire davantage à l'Est, nous obligeant à réduire rapidement toutes les voilures. Nous prenons 2 ris à la grand voile, mettons le tourmentin. Une grosse mer se forme, certaines crêtes déferlent, le ciel s'assombrit et les rafales s'intensifient.
Un service de douche efficace se voit assuré à l'extérieur, et à l'intérieur la station debout se voit proscrite. Des objets bien identifiés volent dans l'habitacle, les placards s'ouvrent, se déversent.
Le 09 /08 4eme j
Cette nuit, nous sommes au près, voile réduite au maximum afin de ne pas avoir à trop sortir pour assister le régulateur. Ni Marco, ni moi, n'apprécions les douches nocturnes et nous ne tenons pas à nous faire pousser par une vague dans le chaudron noir bouillonnant. Le shaker est en route : nos pauvres corps se font bien secouer : l'appétit se réduit, tout comme les déplacements, le sommeil, le temps de parole, également.... Chacun reste dans son coin silencieux, calé comme on peut dans nos cabines, attendant que cela passe. Nous expérimentons allongés la pression, l'apesanteur, la lévitation, la force centrifuge, la compression, le balancement sous toutes ses formes... Les courbatures apparaissent au niveau du cou, des épaules, hanches... juste pour maintenir la position horizontale !!!
En fait, nous sommes en train de traverser la zone de convergence que nous suivions. Grâce à elle nous avons pu bénéficier de vent porteurs durant ces 3 derniers jours, à présent, nous en subissons ces méfaits. C'est la rançon !
Le 10/08 5eme j
Vent, rafale, pluie, houle se déchaînent. Cette nuit, il nous faut éponger les cales remplies d'eau de mer s'infiltrant par les coffres. Durant mon quart, le bateau empanne d'une façon soudaine. Dans le cockpit on s'agite pour redresser au plus vite la situation. Le pilote à vent a perdu la boule et tente à nouveau de nous refaire le même coup. Nous devons le relever et constatons qu'il y a un problème à la pale dans l'eau. L'intervention nocturne est trop risquée avec le violent tangage, les vagues qui passent par dessus bord, on verra ça demain, en attendant on branche notre petit pilote à bras.
On est épuisé, je finis par tomber quelques petites heures dans un sommeil agité.
Au matin, le décor n'est guère plus réjouissant que la veille : Une grosse mer grise, noire, reflète le ciel. Son mouvement ne nous permet plus de rester en position debout.
Marco met son harnais pour aller réparer le pilote dont les vis se sont desserrées. Au passage, il remet une ligne de traîne et se prend un seau d'eau en pleine gueule. Ce qui me fait rire, mais lui un peu moins.
« Putain c'est bon, là j'en ai marre, je me demande vraiment qu'est ce qu'on fout là. Non mais, tu vois pas l'enfer ! On ne dort plus, on peut même pas se tenir debout ou sortir... Je me demande quel plaisir on peut à avoir à naviguer ? »
On regagne nos cabines avec une certaine morosité pour de petits roupillons de 10 à 15 minutes. Dans l'après midi, j'entends un hurlement couvrant le barouf, je sors. C'est là que je me rends soudain compte de ce qu'inclinaison veut dire ! Marco a les deux mains sur la barre, debout en appuis sur le siège du bas, prêt à plonger en avant, le rail de Fargue dans l'eau, le bateau couché. Il n'arrive plus à le redresser tant la pression sur la barre est importante : la rafale de 35 nœuds, ne l'aide guère !
Il faut affaler une voile, le plus rapide c'est de tomber le tourmentin ! Je prends la barre tirant de toutes mes forces, pendant que Marco gagne l'avant se cramponnant à ce qu'il peut.
Une fois la voile affalée, ça va un peu mieux. Mais le vent continue d'hurler, l'océan répand sa rage noire et se déchaîne sur la surface de l'eau. C'est effrayant !
Le 11/08
Notre optimisme, voudrait que cette nuit soit plus clémente, mais elle est encore pire. Bien que nous ne sommes pas au cœur d'une tempête, loin de là, nous avons l'impression d'en vivre une, tant la mer est dégueulasse et traître. Les vagues passent par dessus bord et se répandent copieusement dans nos coffres, par les moindres interstices, inondant les cales du bateau et même la cabine avant. ( je ne parle pas de mon lit aussi) Toutes les demi heures, il nous faut écoper. Chaque sortie à
l'extérieur se solde par un seau d'eau en pleine poire. Le roulis a pris une intensité indescriptible, un cauchemar. Les grains s'enchaînent, le vent et les rafales ne faiblissent point.
Toutes manœuvres de voile sur le pont : hisser et affaler la grand voile, par exemple, sont redoutées... Avant de sortir on s'attache à la longe, on se répète la manœuvre à effectuer et courageusement on va se faire mouiller et rouster.
Aucun répi ne nous sera accordé jusqu'à fin. Nous avons un drôle de teint verdâtre. Marco me dit que l'on dirait que je viens de me prendre deux gnons dans les yeux, s'il voyait sa tronche, il ne la ramènerait pas...
Transperçant l'aube et les nuages, notre vue s'arrête enfin sur une île au relief surprenant. Fatu Hiva se rapproche, pour le moment tout paraît austère, avec ces teintes sombres autours de nous. Deux dauphins viennent cependant, nous faire un joyeux accueil.
Nous hésitons entre deux mouillages, un plus abrité du vent, mais avec de la houle : Omoa, ou un sans houles mais avec de bonnes rafales : celui de la baie des Vierges. Ce dernier est mythique, tout navigateur arrivant de la trans-pacifique s'y arrête. On dit que c'est un des plus beaux mouillages au monde côté décor. On opte pour celui-ci. A cette période de l'année le flot de bateaux est partit vers d'autres rivages, étant à contre courant de ce flux, nous devrions trouver aisément une place au mouillage.
Lorsque nous découvrons cette petite baie nous sommes éblouis !
De hautes montagnes vertes l'encerclent, des pitons, des roches aux formes surprenantes, des cocotiers, des vallées étroites verdoyantes : un véritable décor de cinéma. L'eau est lisse, malgré les bonnes rafales qui descendent des hauteurs, que de contrastes en quelques minutes. Deux autres bateaux sont là, nous arrivons aisément à trouver notre place au premier rang. Marco doit plonger toutefois plonger pour positionner l'ancre dans le sable. Epuisé, il trouve quand même le force de déplacer l'ancre sous l'eau en marchant par 10 mètres de profondeur ! Il ne cesse de m'épater mon ptit gars...
Malgré notre fatigue et cette navigation bien difficile, nous sommes soulagés et heureux d'avoir atteint les rivages de notre rêve Polynésien, celui des Marquises !!!
La baie des Vierges était autrefois nommée la baie des Verges, nos missionnaires se sont empressés de rajouter un i, pour détourner l'esprit trop évocateur de ce mot. Mais ce i n'enlève en rien l'insolence et la majesté de ces gros pitons dressés. Le petit village niché au bas de parois verticales accueille 500 habitants. Les petites maisonnettes sont fleuries entourées de végétation dense et d'arbres fruitiers : citronniers, orangers, papayers, pamplemoussiers, manguiers... Mais hélas, ici on ne trouve pas de légumes, personne ne cultive. L'abondance de fruits semble suffire aux besoins.
Nos premiers pas à terre ressemblent à ceux que l'on pourrait faire sur la lune : nous avons du mal à marcher droit, tout tangue, les odeurs nous assaillent avec intensité, les couleurs se plaquent sur notre cerveau créant des troubles de la vision... Une sorte d'ivresse se distille au plus profond de nous, le terrien retrouve ses repères et la joie l'envahie.
Pour s'imprégner davantage de la terre, nous rejoignons le lendemain, une cascade dans les montagnes pour y prendre un bain. Un véritable bain de jouvence, de fraîcheur où finissent de se dissoudre les dernières trace de cette traversée difficile.
On dit que plus on descend bas, on monte haut ! Là, cela se vérifie. Notre état de bien être atteint son paroxysme.
Nous ne tardons pas à faire la connaissance des autres navigateurs. A cette époque il ne reste plus que les baroudeurs ayant épousés la mer depuis de longues années. Aussi c'est toujours un régal que d'entendre leur récits et aventures.
Au village, nous sommes très sollicités par les habitants. On troque ainsi des cartouches de fusil contre du miel. Marco va réparer le branchement d'un congélateur contre des bananes et fruits, chez un autre une lampe torche, on échange des piles et toute sorte de petites choses dont les gens ont besoin. Ayant réparé les branchement électriques du congélateur, cela lui vaut le titre de réparateur électricien, frigoriste, du coup son carnet de rendez vous se remplit !!!
Le fait, que ce lieu soit fréquenté par le tourisme à une certaine période de l'année a créé des envies et besoins qu'ils n'avaient pas avant. Par exemple : c'est le seul village où les enfants demandent des bonbons...
L'appel de la terre est fort, aussi chaque jour, nous partons crapahuter dans ces lieux de splendeur et achevons la journée par un bain dans les rivières ou cascades.
Etonnement, bien que nous soyons plus proche de l'équateur nous avons moins chaud qu'aux Tuamotu. Le haut relief retient les nuages et un courant d'eau frais circule dans ces mers, amenant ainsi une température raisonnable de 25° à 28°c.
Nous avions craint que notre passager le gecko se soit fait emporter par les flots lors de notre traversée, mais non, il est là, tout aussi amaigris que nous, mais bien vivant ! Ses ventouses ont dû lui sauver la vie, à moins qu'il n'ait trouvé refuge dans un coin des toilettes proche de son garde manger : les fourmis. ( Elles nous accompagnent depuis Raïatéa).
L'Aranui, un cargo effectuant la livraison de marchandises entre Papeete et les Marquises vient de débarquer au mouillage, avec 200 passagers à bord. Depuis quelques années l'Aranui propose une sorte de croisière découverte des différents archipels, tout en transportant matériaux et nourritures.
L'arrivée de ces touristes met le village en ébullition, des stands de sculptures sont installés sur les quai, des danses leur sont offertes. Tout ce petit monde ( constitué principalement de personnes âgées) découvre le temps d'une journée un lieu différent avec quelques animations proposées à chaque escale.
dimanche 9 août 2015
Le
village de Fakarava est l'endroit le plus habité, animé par lequel nous sommes passés depuis ces derniers
mois. Ce retour à la civilisation nous procure un drôle d'état. Nous sommes
comme saouls! Trop de monde d'un coup, d'informations visuelles. Des touristes
en maillot de bain passent à vélo, à pied, on croise des locaux que nous avons
à peine le temps de saluer. Dans les petits villages, on s'arrête, on échange
quelques mots, là, la coutume disparait avec l'afflux touristiques. Nous
quittons le village le lendemain de notre arrivée, pour rejoindre le Sud de
Fakarava : 50 km dans le lagon, avec même, un chenal matérialisé. La navigation
est parfaite, pas de houle, 15 nœuds de vent, au largue, nous glissons tout en
douceur et l'on s'en étonne ! Ce genre
de navigation est pour tout dire tout à fait inhabituelle, seul aux Roques au
Venezuela dans le lagon, nous avions connu cela ! » Marco me déclare : « Il y
en a qui payerait des millions pour naviguer ainsi ! » Nous jetons l'ancre à Hirifa, aux abords
d'une jolie plage de sable rose, que nous trouvons à notre goût, trop habitée :
3 cabanes s'y trouvent ! On devient de véritables sauvages... Mais pour tout
dire, actuellement, nous sommes plus à la recherche de lieux isolés où nous
pouvons pêcher. Le lagon de Fakarava est atteint de ciguatera et l'on ne peut
manger le poisson sous peine de chopper la gratte. En discutant avec les
anciens, nous apprenons que la ciguatera est apparue juste après les essais
nucléaires, quelle coïncidence ! A Fakarava,
elle a vu jour lorsque les premiers bateaux venant de Mururoa sont venus
nettoyer la coque de leur navire en ces lieux. Les recherches spécifiques sur
la ciguatera ne font pourtant pas de relations entre les essais nucléaires et
ce problème... Toujours est-il que de nombreux atolls sont maintenant touchés
et que les habitants en font les frais. Leur unique ressource est menacée, les
cancers se multiplient, mais ce qui est rassurant c'est que nous sommes mieux
en mieux armés. Pour nous détruire mutuellement!
Le
29/07 au 05/08
Nous
décidons d'aller mouiller à la passe aux sables roses.
Cependant c’est des couleurs plutôt grises et ouatées qui nous enveloppent. Les lieux nous apparaissent sous un jour différent, on se croirait presque aux Samblas ou au Panama, avec cette lourde chape nuageuse. Le slalom au milieu des patates s'avère délicat sans l'éclat habituel de l'eau. Une zone de convergence, accompagnée de dépressions se pointe ; nous essayons de trouver le meilleur endroit pour se protéger de la houle et du vent. Marco a bien étudié le terrain aussi nous faufilons nous dans ce labyrinthe entre sable et coraux. Le vent possède de fortes chances de basculer soudainement d'une direction à l'autre. Nous connaissons ce phénomène, pour s'être déjà fait piégés plusieurs fois et avons trop baignés dans la frayeur. A présent, nous bénéficions des motus d'un côté et de l'autre une langue de reef qui devrait casser la houle. Nous ne pouvons guère faire mieux en tout cas nous n’imaginons pas d'autres solutions! En attendant, nous allons découvrir ces nouveaux motus à pied.
Quelques rayons illuminent les motus, l'eau s'éclaire de bleu turquoise intense et de dégradés subtils.
Les petits îlots apparaissent comme dans les rêves les plus audacieux. Cerclés d'une bande de sable rose saumon, les cocotiers éclatent dans cette splendeur.
Une autre surprise nous attend dans la passe. Celle-ci est réputée pour la plongée dans le monde entier, surtout pour son fameux mur aux requins. Nous n'avons, hélas, pas de bouteilles de plongée, mais avec un simple masque, nous nous laissons porter par le courant rentrant, accrochés à l'annexe. Le fond n'est qu'un tapis grouillant de requins gris effectuant un ballet. Ces gros prédateurs sont majestueux, des reflets bleutés soulignent leur ligne élégante. Une telle profusion nous laisse pantois. Sur le tombant au large, nous pouvons admirer en plus d'énormes thons, des barracudas monstrueux, des Napoléons replais, de gros mérous... Nous sommes émerveillés et excités comme des gamins, du coup, dès que la marée nous le permet, nous retournerons chaque jour assister à ce ballet aquatique.
Cependant c’est des couleurs plutôt grises et ouatées qui nous enveloppent. Les lieux nous apparaissent sous un jour différent, on se croirait presque aux Samblas ou au Panama, avec cette lourde chape nuageuse. Le slalom au milieu des patates s'avère délicat sans l'éclat habituel de l'eau. Une zone de convergence, accompagnée de dépressions se pointe ; nous essayons de trouver le meilleur endroit pour se protéger de la houle et du vent. Marco a bien étudié le terrain aussi nous faufilons nous dans ce labyrinthe entre sable et coraux. Le vent possède de fortes chances de basculer soudainement d'une direction à l'autre. Nous connaissons ce phénomène, pour s'être déjà fait piégés plusieurs fois et avons trop baignés dans la frayeur. A présent, nous bénéficions des motus d'un côté et de l'autre une langue de reef qui devrait casser la houle. Nous ne pouvons guère faire mieux en tout cas nous n’imaginons pas d'autres solutions! En attendant, nous allons découvrir ces nouveaux motus à pied.
Quelques rayons illuminent les motus, l'eau s'éclaire de bleu turquoise intense et de dégradés subtils.
Les petits îlots apparaissent comme dans les rêves les plus audacieux. Cerclés d'une bande de sable rose saumon, les cocotiers éclatent dans cette splendeur.
Une autre surprise nous attend dans la passe. Celle-ci est réputée pour la plongée dans le monde entier, surtout pour son fameux mur aux requins. Nous n'avons, hélas, pas de bouteilles de plongée, mais avec un simple masque, nous nous laissons porter par le courant rentrant, accrochés à l'annexe. Le fond n'est qu'un tapis grouillant de requins gris effectuant un ballet. Ces gros prédateurs sont majestueux, des reflets bleutés soulignent leur ligne élégante. Une telle profusion nous laisse pantois. Sur le tombant au large, nous pouvons admirer en plus d'énormes thons, des barracudas monstrueux, des Napoléons replais, de gros mérous... Nous sommes émerveillés et excités comme des gamins, du coup, dès que la marée nous le permet, nous retournerons chaque jour assister à ce ballet aquatique.
Etonnement, très peu
de bateaux se sont arrêtés dans le coin. Peut être parce que nous sommes à
contre courant par rapport au flux, seuls 2 autres bateaux sont au mouillage.
Nous faisons la connaissance de 2 Raahans ayant chacun un petit bateau de 9 mètres. Ils sont jeunes, ils sont beaux, musclés, bronzés à souhait, sympas... Ils sont Français, ils ont traversé les océans et ont atterri aux Tuamotu. Ils vivent en donnant quelques cours de kitte, en faisant du charter pour les jeunes aux petites bourses en soif d'aventure. Ils surfent, plongent, font du paddle, du kitte, de la chasse sous marine pour manger, ils sont libres et heureux. En fait il font plaisir à voir... L'apéro en leur compagnie me renvoie à ces moments partagés avec mes enfants où l'on boit un grand verre de gaité, de fraîcheur, où l'on picore des pépites de malice, de jeux...
Cette jeunesse intrépide n'a peur de rien. L'autre jour Raahan1 chassait, il transperça de sa flèche une petite carangue. Elle resta donc sur le fil en nageant autour de Raahan lorsque les requins en quelques secondes ont déboulé et pris de frénésie n'en n'ont fait qu'une bouchée. Raahan fut bousculé, reçu des coups de queue et son bras fut éraflé par la peau de l'un d'eux venu se frotter un peu trop près.
Tout à l'heure en rentrant de la chasse, Raahan 2 a accroché la tête d'un poisson à une corde au bout de son paddle, il a pu ainsi se faire tracter quelques secondes par les requins en rigolant. Le matin au réveil, ils montent au mât et sautent dans l'eau. Toute la journée les activités s'enchaînent, ils s'ébrouent comme de jeunes chiens fougueux.
Un jour, Marco se joint à la joyeuse bande à Raahan pour aller chasser dans la passe. Ils vaut mieux plonger à plusieurs dans ce genre d'endroit pour assurer la sécurité de celui qui tire. D'ailleurs la situation ne tarde pas à se présenter. Raahan 2 use de sa gâchette, et harponne une carangue qui attire rapidement une vingtaine de requin. L'un d'eux s'empare en une bouchée de cette proie facile, emportant, par la même occasion, le fusil que Raahan n'a pu retenir. Marco se met à la poursuite du requin dans l'espoir de récupérer le fusil du copain. Le requin ayant finit de se curer les dents avec la flèche abandonne son fardeau, Marco récupère l'arme par plus de 20 mètres de fond. L'odeur du repas fraîchement ingéré flotte dans ces eaux, aiguisant l'appétit des prédateurs. La chasse devient sportive : Marco tire à son tour une grosse carangue, qu'il remonte à une vitesse supersonique, ne laissant aucune chance aux requins gris de venir lui piquer... Cependant les drôles commencent à être un peu trop excités, la bande à Raahan abandonne la partie.
Le vent se renforce, durant la nuit il bascule au Nord sans égard pour notre sommeil. Le bateau est bien secoué, tout comme nos méninges. La journée s'établit sous un ciel gris où des grains se succèdent. Le vent tourne dans tous les sens, s'essouffle la nuit suivante et revient avec plus de vigueur. Nous avons la chance d'avoir une connexion internet, de temps à autre, ce qui nous permet de suivre l'évolution du phénomène. En observant les prévisions des jours suivants, nous constatons qu'un vent inhabituel du Sud arrive.
Marco me dit :
« Ca ! ça ce serait des conditions parfaites pour aller aux Marquises ! »
« Et bien pourquoi n'irions nous pas ? »
C'est vrai ça, les Marquises font partie de notre rêve Polynésien et ne sachant pas ce que nous réserve l'avenir, pourquoi ne pas y aller là, maintenant ???
Qu'à cela ne tienne : un peu plus de 1000 km à faire, en 6 jours de mer nous pourrions rejoindre Fatu hiva, notre première destination. Vu l'orientation du vent, nous ne serions pas obligé de faire du près serré, donc une navigation plus tranquille. Il est vrai qu' à présent, nous appréhendons un peu les longues traversées, mais l'idée de découvrir de nouveaux décors nous donne davantage de courage. A bientôt sous de nouvelles latitudes...
Nous faisons la connaissance de 2 Raahans ayant chacun un petit bateau de 9 mètres. Ils sont jeunes, ils sont beaux, musclés, bronzés à souhait, sympas... Ils sont Français, ils ont traversé les océans et ont atterri aux Tuamotu. Ils vivent en donnant quelques cours de kitte, en faisant du charter pour les jeunes aux petites bourses en soif d'aventure. Ils surfent, plongent, font du paddle, du kitte, de la chasse sous marine pour manger, ils sont libres et heureux. En fait il font plaisir à voir... L'apéro en leur compagnie me renvoie à ces moments partagés avec mes enfants où l'on boit un grand verre de gaité, de fraîcheur, où l'on picore des pépites de malice, de jeux...
Cette jeunesse intrépide n'a peur de rien. L'autre jour Raahan1 chassait, il transperça de sa flèche une petite carangue. Elle resta donc sur le fil en nageant autour de Raahan lorsque les requins en quelques secondes ont déboulé et pris de frénésie n'en n'ont fait qu'une bouchée. Raahan fut bousculé, reçu des coups de queue et son bras fut éraflé par la peau de l'un d'eux venu se frotter un peu trop près.
Tout à l'heure en rentrant de la chasse, Raahan 2 a accroché la tête d'un poisson à une corde au bout de son paddle, il a pu ainsi se faire tracter quelques secondes par les requins en rigolant. Le matin au réveil, ils montent au mât et sautent dans l'eau. Toute la journée les activités s'enchaînent, ils s'ébrouent comme de jeunes chiens fougueux.
Un jour, Marco se joint à la joyeuse bande à Raahan pour aller chasser dans la passe. Ils vaut mieux plonger à plusieurs dans ce genre d'endroit pour assurer la sécurité de celui qui tire. D'ailleurs la situation ne tarde pas à se présenter. Raahan 2 use de sa gâchette, et harponne une carangue qui attire rapidement une vingtaine de requin. L'un d'eux s'empare en une bouchée de cette proie facile, emportant, par la même occasion, le fusil que Raahan n'a pu retenir. Marco se met à la poursuite du requin dans l'espoir de récupérer le fusil du copain. Le requin ayant finit de se curer les dents avec la flèche abandonne son fardeau, Marco récupère l'arme par plus de 20 mètres de fond. L'odeur du repas fraîchement ingéré flotte dans ces eaux, aiguisant l'appétit des prédateurs. La chasse devient sportive : Marco tire à son tour une grosse carangue, qu'il remonte à une vitesse supersonique, ne laissant aucune chance aux requins gris de venir lui piquer... Cependant les drôles commencent à être un peu trop excités, la bande à Raahan abandonne la partie.
Le vent se renforce, durant la nuit il bascule au Nord sans égard pour notre sommeil. Le bateau est bien secoué, tout comme nos méninges. La journée s'établit sous un ciel gris où des grains se succèdent. Le vent tourne dans tous les sens, s'essouffle la nuit suivante et revient avec plus de vigueur. Nous avons la chance d'avoir une connexion internet, de temps à autre, ce qui nous permet de suivre l'évolution du phénomène. En observant les prévisions des jours suivants, nous constatons qu'un vent inhabituel du Sud arrive.
Marco me dit :
« Ca ! ça ce serait des conditions parfaites pour aller aux Marquises ! »
« Et bien pourquoi n'irions nous pas ? »
C'est vrai ça, les Marquises font partie de notre rêve Polynésien et ne sachant pas ce que nous réserve l'avenir, pourquoi ne pas y aller là, maintenant ???
Qu'à cela ne tienne : un peu plus de 1000 km à faire, en 6 jours de mer nous pourrions rejoindre Fatu hiva, notre première destination. Vu l'orientation du vent, nous ne serions pas obligé de faire du près serré, donc une navigation plus tranquille. Il est vrai qu' à présent, nous appréhendons un peu les longues traversées, mais l'idée de découvrir de nouveaux décors nous donne davantage de courage. A bientôt sous de nouvelles latitudes...
Le 10 Juillet
Partout
en Polynésie lorsque tombe la nuit, la musique s'éveille dans les villages. Les
tamtams, les ukulélés te to'ere, un instrument de percussion polynésien,
résonnent et ce soir, les danseuses sont
de sorties. Elles répètent en vu du 14 Juillet. Cet événement est largement
fêté, ici, on l'appelle la Heiva. Notons que toutes fêtes intéressent les
polynésiens ! Nous allons donc voir les jolis popotins en paréo bouger au
rythme cadencé. Les déhanchés sont impressionnants...
Le vent commence à forcir aussi, il faut déguerpir et trouver refuge aux motus de l'Est. L'un deux attire notre attention du fait qu'il y ait des filao, arbres à aiguilles longues, aussi on jette l'ancre à proximité. Le vent développe un joli bruissement dans les aiguiles. Il y a une cabane à copra, noix de coco, mais personne n'est là. En marchant sur le reef, nous trouvons une bouteille de plongée ramenée par les vagues. N'étant pas équipés pour la plongée et ne voulant pas charger davantage le bateau, nous décidons de la ramener devant la cabane : cela sera une surprise... Après deux nuits un peu agitées, le vent se calme. Nous en profitons pour rejoindre la passe à l'Ouest en vu de notre départ demain. Mais avant de partir, nous voulons aller plonger dans la passe. Au préalable, nous nous rendons à pied le long de celle-ci pour vérifier que le courant soit rentrant. Si non, on a vite fait de se faire emporter au large et adieu va... Les conditions semblent bonnes après nous être équipés nous remontons en annexe le courant jusqu'à la sortie de la passe. On saute à l'eau avec palmes, masques, tubas et accrochés à l'annexe nous nous laissons porter par le courant en ouvrant grands les yeux... Et ben là c'est du gros !!! des bans de barracudas de plus d'1,50m, des nuées de carangues de toutes espèces, des énormes mérous, des requins gris, des murènes géantes, des napoléons... On hallucine ! Marco devient fou, il plonge en apnées au milieu des carangues, les appelle, comme il sait le faire, en émettant un son guttural. Elles viennent tout autour de lui. Je regrette de ne pas avoir un appareil photo qui va dans l'eau car c'est magnifique de voir cela du dessus. On est tellement excités que l'on refait 5 fois la passe, jusqu'à ce que le courant devienne trop fort et que je commence à grelotter. L'eau n'est qu'à 26°c et même avec une combinaison j'ai l'onglet à tous les doigts... Marco se fou bien de moi, mais en voyant mes lèvres violettes, il abdique.
Le vent commence à forcir aussi, il faut déguerpir et trouver refuge aux motus de l'Est. L'un deux attire notre attention du fait qu'il y ait des filao, arbres à aiguilles longues, aussi on jette l'ancre à proximité. Le vent développe un joli bruissement dans les aiguiles. Il y a une cabane à copra, noix de coco, mais personne n'est là. En marchant sur le reef, nous trouvons une bouteille de plongée ramenée par les vagues. N'étant pas équipés pour la plongée et ne voulant pas charger davantage le bateau, nous décidons de la ramener devant la cabane : cela sera une surprise... Après deux nuits un peu agitées, le vent se calme. Nous en profitons pour rejoindre la passe à l'Ouest en vu de notre départ demain. Mais avant de partir, nous voulons aller plonger dans la passe. Au préalable, nous nous rendons à pied le long de celle-ci pour vérifier que le courant soit rentrant. Si non, on a vite fait de se faire emporter au large et adieu va... Les conditions semblent bonnes après nous être équipés nous remontons en annexe le courant jusqu'à la sortie de la passe. On saute à l'eau avec palmes, masques, tubas et accrochés à l'annexe nous nous laissons porter par le courant en ouvrant grands les yeux... Et ben là c'est du gros !!! des bans de barracudas de plus d'1,50m, des nuées de carangues de toutes espèces, des énormes mérous, des requins gris, des murènes géantes, des napoléons... On hallucine ! Marco devient fou, il plonge en apnées au milieu des carangues, les appelle, comme il sait le faire, en émettant un son guttural. Elles viennent tout autour de lui. Je regrette de ne pas avoir un appareil photo qui va dans l'eau car c'est magnifique de voir cela du dessus. On est tellement excités que l'on refait 5 fois la passe, jusqu'à ce que le courant devienne trop fort et que je commence à grelotter. L'eau n'est qu'à 26°c et même avec une combinaison j'ai l'onglet à tous les doigts... Marco se fou bien de moi, mais en voyant mes lèvres violettes, il abdique.
Le
15/07
Nous
ne pouvons sortir de la passe avant que le jour ne soit là, le seul problème
c'est que l'étale était présente il y a quelques heures. Nous nous approchons
de l'unique passe de sortie de Tikehau dès le premier rayon de soleil. En
voyant l'état de celle-ci, avec d'énormes remous et des crêtes blanches à la
sortie, genre mascaret, on se doute que le courant est déjà fort. Marco me dit
avec son tact légendaire, en voyant mon stress: « - Quand ça moutonne comme ça,
c'est qu'il doit y avoir un bon jus, mais ça va aller, on a pas le choix de
toute façon si on attend, on risque de devoir faire toute la route au moteur,
bon, on risque de bien se faire secouer, alors on va fermer tous les hublots,
et surtout pense à toujours rester dans l'axe des repères !!! » Super ! Je suis
tout à fait rassurée, j'ai juste l'estomac qui se serre, les jambes qui
tremblotent en regardant la barre de courant qui nous attend ! Je me défilerais
bien, mais Marco commence à gueuler... J'ai l'impression de me retrouver
jeunette au départ d'une compétition de descente à ski ! T'as pas envie
d'être là, t'as les pétoches, mais faut pourtant il faut te lancer...
N'écoutant que mon courage et ma témérité, je mets plein gaz afin de garder un minimum de contrôle du bateau.
Si je m'écoutais, je mettrais la marche arrière... Nous voilà propulsés dans le
courant, étonnement je garde bien le contrôle, la sortie nous réserve néanmoins
une petite séance rodéo qui nous éjecte hors du lagon telle une comète... OUFFF ! Nous quittons Tikehau avec le sentiment
d'être comblés.
L'origine du mot Tikehau signifie en polynésien : l'homme en paix. Cet atoll porte bien son nom, nous avons pris plus qu'un bol de paix, durant ces 6 semaines, un vrai bain... Je dois reconnaître que Marco a bien choisi la météo, les conditions sont superbes : doux alizés de Nord-Est qui nous permettent de faire cap sur Toau en un bord de près bon plein-travers. Peu de houle, aussi nous continuons à nous prendre pour une comète. Une comète ayant quelque peu ralentie sa course à 6 nœuds! Nous longeons Rangiroa à la voile, là où les essais nucléaires français avaient lieu de 1966 à 1996. C'est le deuxième plus grand lagon au monde avec 80 km de longueur. Le rivage est bordé de plage avec des roches volcaniques. Peut être reviendrons nous voir ça de plus près à l'intérieur du lagon. Plus tard ? En fin d'après midi, nous tombons sur un banc de thons qui viennent mordre sur toutes nos lignes. Nous en remontons 3 à bord. Nous en réservons 2 pour les donner. Un rayon vert vient clore cette belle journée.
Après 30 heures de navigation, nous arrivons à Toau ; un atoll où se trouve une fausse passe dans laquelle nous pouvons nous amarrer à une bouée.
(Photo de notre bateau prise dans la baie de Toau par notre pote Italien à l'aide de drone.)
Nous ne sommes donc pas dans le lagon, mais en pleine mer, toutefois très bien abrité du vent et de la houle. C'est un lieu prisé par ceux qui arrivent des Marquises, en particulier des Américains car il n'y a pas de passes à franchir. Nous sommes surpris de ne trouver personne, surtout à cette époque ! Il y a 6 habitants dans tout l'atoll, une famille vit ici, il y a même une petite pension. En ce moment, tout est désert. L'eau est cristalline, aussitôt arrivés nous allons découvrir la barrière de corail et ses occupants. Un véritable jardin aquariumisé. De nouveaux remoras, poissons à ventouse qui servent de pilote aux requins et qui à présent squattent sous le bateau.
Il y a toute une armada de gourmands que l'on dompte avec de la nourriture, ils viennent manger dans nos mains, gare aux doigts... Mais leur régal, ce qu'ils préfèrent c'est la crotte... Nous avons un nouveau compagnons de voyage à bord, un petit gecko parachuté par on ne sait quel moyen ! Il nous a choisi, alors on accepte sa présence, sachant qu'il nous débarrassera de moustiques, mouches... En fait c'est l'animal de compagnie rêvé, on a pas à s'en occuper et il fait son job. Bon il est encore un peu farouche, mais je suis sûre que l'on arrivera bientôt à le domestiquer... Comme toujours, après les nuits en mer où le sommeil se restreint à 2 ou 3h, nous sommes bien claqués, aussi pas de bamboula nocturne ce soir !
L'origine du mot Tikehau signifie en polynésien : l'homme en paix. Cet atoll porte bien son nom, nous avons pris plus qu'un bol de paix, durant ces 6 semaines, un vrai bain... Je dois reconnaître que Marco a bien choisi la météo, les conditions sont superbes : doux alizés de Nord-Est qui nous permettent de faire cap sur Toau en un bord de près bon plein-travers. Peu de houle, aussi nous continuons à nous prendre pour une comète. Une comète ayant quelque peu ralentie sa course à 6 nœuds! Nous longeons Rangiroa à la voile, là où les essais nucléaires français avaient lieu de 1966 à 1996. C'est le deuxième plus grand lagon au monde avec 80 km de longueur. Le rivage est bordé de plage avec des roches volcaniques. Peut être reviendrons nous voir ça de plus près à l'intérieur du lagon. Plus tard ? En fin d'après midi, nous tombons sur un banc de thons qui viennent mordre sur toutes nos lignes. Nous en remontons 3 à bord. Nous en réservons 2 pour les donner. Un rayon vert vient clore cette belle journée.
Après 30 heures de navigation, nous arrivons à Toau ; un atoll où se trouve une fausse passe dans laquelle nous pouvons nous amarrer à une bouée.
(Photo de notre bateau prise dans la baie de Toau par notre pote Italien à l'aide de drone.)
Nous ne sommes donc pas dans le lagon, mais en pleine mer, toutefois très bien abrité du vent et de la houle. C'est un lieu prisé par ceux qui arrivent des Marquises, en particulier des Américains car il n'y a pas de passes à franchir. Nous sommes surpris de ne trouver personne, surtout à cette époque ! Il y a 6 habitants dans tout l'atoll, une famille vit ici, il y a même une petite pension. En ce moment, tout est désert. L'eau est cristalline, aussitôt arrivés nous allons découvrir la barrière de corail et ses occupants. Un véritable jardin aquariumisé. De nouveaux remoras, poissons à ventouse qui servent de pilote aux requins et qui à présent squattent sous le bateau.
Il y a toute une armada de gourmands que l'on dompte avec de la nourriture, ils viennent manger dans nos mains, gare aux doigts... Mais leur régal, ce qu'ils préfèrent c'est la crotte... Nous avons un nouveau compagnons de voyage à bord, un petit gecko parachuté par on ne sait quel moyen ! Il nous a choisi, alors on accepte sa présence, sachant qu'il nous débarrassera de moustiques, mouches... En fait c'est l'animal de compagnie rêvé, on a pas à s'en occuper et il fait son job. Bon il est encore un peu farouche, mais je suis sûre que l'on arrivera bientôt à le domestiquer... Comme toujours, après les nuits en mer où le sommeil se restreint à 2 ou 3h, nous sommes bien claqués, aussi pas de bamboula nocturne ce soir !
Le
17/07/15
Nous
allons à terre donner notre poisson et une pastèque aux habitants du lieu. Un
papy à la longue barbichette blanche de 30 cm et une meute de chiens nous
accueillent. Il est seul sur le motu et tous les autres sont partis livrer
poissons et langoustes à Fakarava avec leur bateau. « - Langoustes ? il a bien
dit langoustes ? » Du coup, nous allons faire un tour à pied autour des
différents motus pour repérer les platiers en vu de chasse à la langouste. Ces
lieux sont vraiment sauvages, de grands reefs parsemés de coraux vivants
s'étendent à perte de vue. Nous marchons sur un plateau de couleurs dont le
rose domine. Partout où se pose le regard, il se nourrit. Des bouquets de
fleurs de corail aux teintes irréelles jaillissent : violets, jaunes,
roses intenses, ici et là des oursins crayons, coquillages.
La création nous révèle une fois de plus sa perfection. Et dans l'eau, en plongée, c'est l'euphorie. Marco part chasser, il a l'embarras du choix. Sachant que j'apprécie particulièrement les Carangues, il en tire une, mais elle se décroche. Le temps qu'il réarme son fusil, 4 requins surgissent et la dévore. Il se rabat donc sur une autre ne leur laissant pas le temps, cette fois, de venir lui piquer sa proie. Il la sort rapidement de l'eau. A la nuit, nous partons avec nos frontales, accompagnés de notre nouveau copain le tueur : le chien pêcheur. Celui-ci nous a adopté dès notre première rencontre, il nous suit partout. Tous les chiens ici sont élevés aux poissons, ils n'ont certainement jamais goûté à la viande... Aussi, notre chien a appris à les attraper. On s'étonne de le voir courir, sauter sur les coraux acérés sans se couper les coussinets ! Sa technique est au point et il ne manque pas de ramener à nos pieds de beaux perroquets. Nous les remettons à l'eau sous ses yeux chargés d’incompréhension. « Nous sommes là pour la chasse à la langouste et non aux perroquets mon pote... » Notre tueur nous ramène même, le jour suivant, un petit requin...
La marche est délicate dans l'eau jusqu'aux cuisses, avec les vagues, les trous, parfois des failles de quelques mètres de profondeurs. Mieux vaut garder les yeux bien ouverts. Malgré les précautions, je glisse et me vautre sur les coraux coupants, heureusement que j'ai une combinaison et des gants. Ce soir, aucunes langoustes ne daignent se montrer malgré les kilomètres de reefs que nous arpentons.
Il nous faut peut être songer à porter des lunettes de vue. Marco trouve néanmoins, un trésor : une grosse porcelaine. Finalement, cette découverte nous enthousiasme plus encore que si nous avions trouvé une langouste ! Chaque jour, nous savourons ce qui nous entoure, nous avons conscience que ce que nous vivons ici est unique : rien que le fait de ne pas avoir d'obligations, d'impératifs, d'horaires, de travail. De ne pas recevoir de factures, paperasses et j'en passe. C'est vraiment une autre vie, tout est nouveau, surprenant et simple. En fait, nous réalisons que nous n'avons jamais vécu de façon aussi légère si l’on excepte les Tuamotu.
Là, où finalement le monde moderne n'existe pas. Là où il n'y a que la nature reine des lieux et des habitants qui la respectent et vivent selon ses lois. Alors c'est étonnant de nos jours de découvrir des villages où l'unique commerce est une petite épicerie aux rayonnages dégarnis. Pas de bars, pas de restos, pas de pharmacie, pas de magasins de vêtements ou autres, souvent pas d'internet, pas de coiffeur. Les seules professions existantes sont : pêcheurs, ramasseurs de copra, mères au foyer, un instituteur ou institutrice, une infirmière, un maire, une secrétaire de mairie et basta. Tu veux être quoi toi quand tu seras grand ? Ici personne n'est pauvre, personne n'a faim, tout le monde a un toit. Personne n'est mis de côté, les vieux sont intégrés, respectés. Chacun travaille et contribue dans la mesure de ce qu'il est capable de faire. Il n'y a pas de pression de réussite, de devenir ou d'ambition, du coup, la quiétude, la joie, le partage rayonnent d'une intense façon. En fait, ce fonctionnement nous interpelle, car il remet en cause beaucoup de nos idées reçues au sujet du progrès. Un catamaran d'Italiens vient d'arriver. Il s'agit d'un couple avec enfant qui font du charter à bord de leur bateau, ils ont donc une autre famille avec eux. Marco, le propriétaire du cata et mon Marco décident d'aller chasser derrière le tombant. Là c'est une autre dimension, les poissons qui vivent dans les profondeurs sont quelque peu démesurés, et mieux vaut être accompagné pour chasser dans ces parages. Un banc de gros poissons leur passent sous le nez, ils en tirent un chacun et les remontent illico, les requins gris ne rigolent pas dans le quartier. Comme aucun des Marco ne connaissent ces poissons, ils vont les montrer à barbichette. « Ha c'est con ça, c'est le seul poisson qui n'est pas bon à manger ! » Du coup, le rital nous invite à la tombée de la nuit, sur son cata pour assister au nourrissage des requins avec le fruit de leur pêche. Un bout est passé dans les ouïes, les proies sont mise à l'eau, les éclairages illuminent l'arrière : en quelques secondes une dizaine de requins (gris, pointes noires) tournent autour, se rapprochent et le carnage commence. Le plus aventureux vient goûter à la chaire fraîche déclenchant une hystérie collective. Cela saute partout, les mâchoires claquent à tout va, les mouvement sont si rapides que cela en est effrayant, l'eau bouillonne de toute part. Leur frénésie se calme un peu, lorsqu'il ne reste plus que le bout pendant à moitié déchiqueté. Les spectateurs sont médusés, chacun imagine un instant, s'il tombait à l'eau maintenant... Après ce spectacle, les Italiens nous proposent un petit apéro avant de repartir, histoire d'attendre que les eaux retrouvent leur calme.
Chaque jour, nous retrouvons Barbichette qui nous dit inlassablement : « Demain c'est sûr la famille va rentrer... » Mais cela fait maintenant 10 jours et papy est toujours seul. Ce qui l'inquiète le plus c'est qu'il n'a plus de clopes, alors lorsqu'on lui ramène du tabac, quel n'est pas son soulagement. Il semble aussi apprécier mon pain à la poêle, la miche en entier y passe en un seul repas avec du beurre. Marco va lui chasser aussi quelques poissons. Du coup il nous donne des noix de cocos et papayes. Nous passons de bons moments en sa compagnie, lui faisant découvrir le pastis et ses vertus; il nous dit ne rien avoir bu d'aussi bon, que c'est ce qu'il préfère! Les discussions arrosées de moments de silence, nous font apprécier chaque mot et chaque gorgée. Ce personnage n'est pas commun : ses yeux noirs intenses sont animés d'une lueur malicieuse et joyeuse, deux longues dread locks blanches constitue sa barbiche, il n'a plus de dents de devant mais son sourire continuel est radieux. Chaque jour, il balaye le motu durant des heures, nourrit les cochons, il semble apprécier le fait d'être seul, peinard, de fumer sa clope dans le hamac. Il pourrait avoir de l’électricité avec le groupe électrogène de son fils, mais il n'en veut pas, il préfère une simple lampe à pétrole. Aujourd'hui la famille est enfin de retour, nous sommes invités à manger : bénitiers, poulpes, poulet, crabes des cocotiers, riz, pâtes et autres victuailles couvrent la table. Nos estomacs peu habitués à autant de nourriture se distendent et menacent d'éclater avec une bouchée de plus. Là encore, la générosité est matérialisée dans ce repas. Une grosse houle du Sud et un vent trop orienté Est, nous empêche de reprendre notre route. Alors, on patiente. Barbichette ne comprend pas pourquoi nous n’attrapons aucune langouste. Un jour, il nous dit : « Toi Marrrco tu viens ce soir, on va à la langouste et toi me dit-il en me regardant et ben, t'as qu'à rester sur ton bateau ! » Une envie de rire nous prend, nous attendons d'être seuls pour lui laisser libre cours. La spontanéité de Barbichette ne peut qu'être bien accueillie, il n'y a aucun faux semblant et aucune méchanceté derrière. Les bonnes femmes en principe restent à la maison, c'est comme ça ! Marco revient après 5 heures de chasse avec 5 langoustes ! Enfin ! La technique de Barbichette est identique à la notre, c'est juste que, jusqu'à présent, on a pas eu de bol ! On envisage de partir ce soir, même si le vent n'a pas la direction escomptée, nous devrions ainsi arriver à Fakarava demain matin pour l'heure de l'étale. Nous rejoignons Barbichette pour un dernier apéro Pastis. Il nous a préparé un gros sac de noix de coco fraîche à emporter. « Et ben mes copains, vous allez partir et moi je suis triste » nous dit il avec sincérité. Cet homme authentique, au grand cœur, nous touche, et nous sommes émus en le quittant. Certaines rencontres laissent des empruntes indélébiles, Barbichette est de ceux là.
La création nous révèle une fois de plus sa perfection. Et dans l'eau, en plongée, c'est l'euphorie. Marco part chasser, il a l'embarras du choix. Sachant que j'apprécie particulièrement les Carangues, il en tire une, mais elle se décroche. Le temps qu'il réarme son fusil, 4 requins surgissent et la dévore. Il se rabat donc sur une autre ne leur laissant pas le temps, cette fois, de venir lui piquer sa proie. Il la sort rapidement de l'eau. A la nuit, nous partons avec nos frontales, accompagnés de notre nouveau copain le tueur : le chien pêcheur. Celui-ci nous a adopté dès notre première rencontre, il nous suit partout. Tous les chiens ici sont élevés aux poissons, ils n'ont certainement jamais goûté à la viande... Aussi, notre chien a appris à les attraper. On s'étonne de le voir courir, sauter sur les coraux acérés sans se couper les coussinets ! Sa technique est au point et il ne manque pas de ramener à nos pieds de beaux perroquets. Nous les remettons à l'eau sous ses yeux chargés d’incompréhension. « Nous sommes là pour la chasse à la langouste et non aux perroquets mon pote... » Notre tueur nous ramène même, le jour suivant, un petit requin...
La marche est délicate dans l'eau jusqu'aux cuisses, avec les vagues, les trous, parfois des failles de quelques mètres de profondeurs. Mieux vaut garder les yeux bien ouverts. Malgré les précautions, je glisse et me vautre sur les coraux coupants, heureusement que j'ai une combinaison et des gants. Ce soir, aucunes langoustes ne daignent se montrer malgré les kilomètres de reefs que nous arpentons.
Il nous faut peut être songer à porter des lunettes de vue. Marco trouve néanmoins, un trésor : une grosse porcelaine. Finalement, cette découverte nous enthousiasme plus encore que si nous avions trouvé une langouste ! Chaque jour, nous savourons ce qui nous entoure, nous avons conscience que ce que nous vivons ici est unique : rien que le fait de ne pas avoir d'obligations, d'impératifs, d'horaires, de travail. De ne pas recevoir de factures, paperasses et j'en passe. C'est vraiment une autre vie, tout est nouveau, surprenant et simple. En fait, nous réalisons que nous n'avons jamais vécu de façon aussi légère si l’on excepte les Tuamotu.
Là, où finalement le monde moderne n'existe pas. Là où il n'y a que la nature reine des lieux et des habitants qui la respectent et vivent selon ses lois. Alors c'est étonnant de nos jours de découvrir des villages où l'unique commerce est une petite épicerie aux rayonnages dégarnis. Pas de bars, pas de restos, pas de pharmacie, pas de magasins de vêtements ou autres, souvent pas d'internet, pas de coiffeur. Les seules professions existantes sont : pêcheurs, ramasseurs de copra, mères au foyer, un instituteur ou institutrice, une infirmière, un maire, une secrétaire de mairie et basta. Tu veux être quoi toi quand tu seras grand ? Ici personne n'est pauvre, personne n'a faim, tout le monde a un toit. Personne n'est mis de côté, les vieux sont intégrés, respectés. Chacun travaille et contribue dans la mesure de ce qu'il est capable de faire. Il n'y a pas de pression de réussite, de devenir ou d'ambition, du coup, la quiétude, la joie, le partage rayonnent d'une intense façon. En fait, ce fonctionnement nous interpelle, car il remet en cause beaucoup de nos idées reçues au sujet du progrès. Un catamaran d'Italiens vient d'arriver. Il s'agit d'un couple avec enfant qui font du charter à bord de leur bateau, ils ont donc une autre famille avec eux. Marco, le propriétaire du cata et mon Marco décident d'aller chasser derrière le tombant. Là c'est une autre dimension, les poissons qui vivent dans les profondeurs sont quelque peu démesurés, et mieux vaut être accompagné pour chasser dans ces parages. Un banc de gros poissons leur passent sous le nez, ils en tirent un chacun et les remontent illico, les requins gris ne rigolent pas dans le quartier. Comme aucun des Marco ne connaissent ces poissons, ils vont les montrer à barbichette. « Ha c'est con ça, c'est le seul poisson qui n'est pas bon à manger ! » Du coup, le rital nous invite à la tombée de la nuit, sur son cata pour assister au nourrissage des requins avec le fruit de leur pêche. Un bout est passé dans les ouïes, les proies sont mise à l'eau, les éclairages illuminent l'arrière : en quelques secondes une dizaine de requins (gris, pointes noires) tournent autour, se rapprochent et le carnage commence. Le plus aventureux vient goûter à la chaire fraîche déclenchant une hystérie collective. Cela saute partout, les mâchoires claquent à tout va, les mouvement sont si rapides que cela en est effrayant, l'eau bouillonne de toute part. Leur frénésie se calme un peu, lorsqu'il ne reste plus que le bout pendant à moitié déchiqueté. Les spectateurs sont médusés, chacun imagine un instant, s'il tombait à l'eau maintenant... Après ce spectacle, les Italiens nous proposent un petit apéro avant de repartir, histoire d'attendre que les eaux retrouvent leur calme.
Chaque jour, nous retrouvons Barbichette qui nous dit inlassablement : « Demain c'est sûr la famille va rentrer... » Mais cela fait maintenant 10 jours et papy est toujours seul. Ce qui l'inquiète le plus c'est qu'il n'a plus de clopes, alors lorsqu'on lui ramène du tabac, quel n'est pas son soulagement. Il semble aussi apprécier mon pain à la poêle, la miche en entier y passe en un seul repas avec du beurre. Marco va lui chasser aussi quelques poissons. Du coup il nous donne des noix de cocos et papayes. Nous passons de bons moments en sa compagnie, lui faisant découvrir le pastis et ses vertus; il nous dit ne rien avoir bu d'aussi bon, que c'est ce qu'il préfère! Les discussions arrosées de moments de silence, nous font apprécier chaque mot et chaque gorgée. Ce personnage n'est pas commun : ses yeux noirs intenses sont animés d'une lueur malicieuse et joyeuse, deux longues dread locks blanches constitue sa barbiche, il n'a plus de dents de devant mais son sourire continuel est radieux. Chaque jour, il balaye le motu durant des heures, nourrit les cochons, il semble apprécier le fait d'être seul, peinard, de fumer sa clope dans le hamac. Il pourrait avoir de l’électricité avec le groupe électrogène de son fils, mais il n'en veut pas, il préfère une simple lampe à pétrole. Aujourd'hui la famille est enfin de retour, nous sommes invités à manger : bénitiers, poulpes, poulet, crabes des cocotiers, riz, pâtes et autres victuailles couvrent la table. Nos estomacs peu habitués à autant de nourriture se distendent et menacent d'éclater avec une bouchée de plus. Là encore, la générosité est matérialisée dans ce repas. Une grosse houle du Sud et un vent trop orienté Est, nous empêche de reprendre notre route. Alors, on patiente. Barbichette ne comprend pas pourquoi nous n’attrapons aucune langouste. Un jour, il nous dit : « Toi Marrrco tu viens ce soir, on va à la langouste et toi me dit-il en me regardant et ben, t'as qu'à rester sur ton bateau ! » Une envie de rire nous prend, nous attendons d'être seuls pour lui laisser libre cours. La spontanéité de Barbichette ne peut qu'être bien accueillie, il n'y a aucun faux semblant et aucune méchanceté derrière. Les bonnes femmes en principe restent à la maison, c'est comme ça ! Marco revient après 5 heures de chasse avec 5 langoustes ! Enfin ! La technique de Barbichette est identique à la notre, c'est juste que, jusqu'à présent, on a pas eu de bol ! On envisage de partir ce soir, même si le vent n'a pas la direction escomptée, nous devrions ainsi arriver à Fakarava demain matin pour l'heure de l'étale. Nous rejoignons Barbichette pour un dernier apéro Pastis. Il nous a préparé un gros sac de noix de coco fraîche à emporter. « Et ben mes copains, vous allez partir et moi je suis triste » nous dit il avec sincérité. Cet homme authentique, au grand cœur, nous touche, et nous sommes émus en le quittant. Certaines rencontres laissent des empruntes indélébiles, Barbichette est de ceux là.
Le
28/07
Une
nuit difficile nous conduit jusqu'à Fakarava. Nous devons enchaîner des bords
de près très serrés avec un vent de face et inévitablement une bonne houle.
L'impératif de franchir la passe à l'heure dite, nous oblige à respecter l'horaire
des marées ; malgré le bon vent nous devons mettre un appuis moteur pour
accélérer. Nous arrivons avec un peu de retard au point J, le courant s'occupe
de notre cas, heureusement la passe est large et le courant rentrant. C'est
l'occasion d'établir notre record du monde de vitesse avec une pointe à 10
nœuds sans l'usage du moteur. Côté emplettes elles ne chargeront pas le bateau,
on arrive après la bataille, encore un peu tard. Demain on doit rejoindre le
sud à 60 km pour trouver un endroit abrité car le vent se radine ! Juste
le temps de se connecter à internet super bas débit, donc on ne peut envoyer de
photos. Nous ne pensons pas qu'à Raraka nous pourrons le faire ! Dommage.
Bon été à tous et pleins de bisous bleutés.
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