mardi 29 septembre 2015




Du 17 au 28/09/15

Le petit tsunami est passé, finalement, l'annonce de celui-ci nous a davantage impacté que le moment où celui-ci est passé. Nous n'avions que peu de connaissances et informations pour pouvoir se faire une idée de la situation, aussi nos seules références sont celles que la TV diffuse, ou que l’on peut capter au cinéma et du coup les proportions ne sont pas forcément celles de la réalité. Je reconnais que Marco techniquement avait tout à fait raison de vouloir aller au large, là est la bonne solution théorique, mais ma pratique à moi s'est davantage orienté vers la terre. Les gens d'ici eux, semblent habitués à ce phénomène car ce n'est pas leur premier tsunami ! D'où leur attitude Zen plutôt surprenante. Au village où nous sommes certains habitant du bord de l'eau, n'ont même pas regagnés les hauteurs. Il paraît que certains sont inconscients et ne bougent qui si on leur annonce une vague de 20 ou 30 m.
De l'autre côté de l'île au Sud, la vigilance fut plus grande car plus exposée, la population de bord de mer a été hébergée momentanément dans l'école sur les hauteurs. Le mouillage réputé dangereux a été évacué, tous les bateaux (six) ont dû partir au large, certains en panne de moteur on été dû être tractés.Une série de 6-7 vagues sont venues recouvrir la digue et terrain de foot, débordant dans le bas du village. Un Marquisien nous raconte : « Le pire c'est lorsque l'eau se retire car cela fait de gros tourbillons qui emportent tout et le port en réalité un mouillage se retrouve ensuite à sec, c'est pour cela que l'on évacue tous les bateaux. » Il n'y a heureusement, pas eu de dégâts, juste un grand nettoyage du front de mer.
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Voilà bientôt un mois que nous sommes à Hanaiapa, seuls au mouillage. Nous commençons à connaître les gens du village et eux en tout cas, nous connaissent bien, ils sont au courant de tout ce que nous faisons. Ils savent quand nous partons marcher, quand nous allons à la pêche, ou à la ville... C'est autant de l'intérêt que de la curiosité. Aussi lorsque l'on passe on nous demande toujours : « Vous allez où ? Vous avez quoi dans votre sac ? » Le festival des Marquises qui a lieu au mois de Décembre, tous les 4 ans, commence à se préparer. Un événement auquel toute la population participe. La voisine de Lynda, Routy s'occupe de confectionner la décoration et différents objets en vue de cette fête, aussi nous invite-t-elle à participer à ce qu'elle fait. Nous découvrons ainsi l'artisanat local le savoir faire et prenons des cours. Notre dextérité est loin d'égaler celle de Routy qui éclate de rire en voyant nos ouvrages ou s'exclame : «  Ho, c'est vraiment pas joli ce que tu as fait! » Loin de nous vexer sa franchise à toute épreuve nous amuse.

C'est comme un jour où nous l'invitons, avec Lynda, à bord de notre bateau pour boire un coup.
Très vite, je m'aperçois qu'elle change de couleur et qu'elle transpire à grosses gouttes. Lorsque je leur propose si elles veulent rester manger, Routy répond avec un cri du cœur : -  « Ha non alors !, pas question que je mange sur le bateau, ça bouge trop, je veux rentrer! » J'aime cette spontanéité, parfois elle peut surprendre car elle est assez inhabituelle dans nos pays Européens. Ici, les gens nous livrent facilement des choses intimes, ne s'encombrent pas de formule de politesse, s'exprime sans retenue... De ce fait, cela donne un aspect direct, sincère et vrai aux relations.


A chaque retour de pêche, les gars s'arrêtent à côté de notre bateau pour parler, raconter leur journée. Il n'y a pas d'empressement à vite rentrer, alors que derrière leur boulot  n'est pas terminé. Les Marquisiens sont travailleurs et loin d'être paresseux. Hommes et femmes commencent leur journée au lever du jour à 5 h. Certains partent faire le copra, d'autre à la pêche, à la chasse, d'autres s'occupent d'entretenir leur terres, leur maison, de ramener de quoi cuisiner, faire de l'artisanat. L'entretien du jardin est l'activité favorite. Il faut avouer que leurs potagers sont beaux, mais ce n'est pas sans raison ; un terrain non entretenu est un nid à moustiques et nonos. Ce sont des personnes actives, mais qui savent aussi, prendre leur temps. Le dimanche est jour de repos total et la nourriture, l'alcool coulent à flot... 




Sachant que nous allons bientôt partir Routy tient à nous préparer un repas pour fêter ça avec Lynda ce dimanche.Spécialement pour nous, elle dégote un chevreau, qui finira accompagné de lait de coco dans nos assiettes avec le traditionnelle Féhi, banane cuite, et uru, le fruit de l'arbre à pin. Nous, les chèvres on préfère les voir cavaler dans les montagnes que dans notre assiette... Marco a eu le malheur de dire qu'il n'en avait jamais goûté, alors Routy voulait nous faire plaisir ! Avant de partir, nous ne manquons pas de passer chez William, un ancien, qui ne cesse depuis des semaines de nous dire chaque jour :
« Si toi partir demain, toi venir auzourd'hui serçer encore bananes. » Il parle mieux le Marquisien que le Français. A chaque fois, il tient à ce que nous prenions un régime de banane.
C'est grâce à lui que notre bateau s'est transformé en bananeraie. Depuis que nous lui avons ramené une bouteille de vin et des cahiers, il ne manque pas de nous fournir en fruit. Nous nous sommes attachés à ce lieu, à ces gens et lever l'ancre nous serre un peu le cœur.De toute façon, l'orientation du vent ne nous laisse guère d'autre choix. Il faut partir…



Le 22/09
A 04h du matin des milliards d'étoiles viennent nous aider à ouvrir les yeux. Nous devons parcourir 60 miles pour rejoindre Ua Huka. Si nous voulons arriver de jour, mieux vaut partir tôt. De bons alizés gonflent notre grand voile et génois. Côté roulis, nous avons eu un bon entraînement au mouillage, aussi on ne fait plus cas de la houle ! Le vent faiblit, nous obligeant à mettre le moteur afin de conserver le bon timing. 



Les côtes de Ua Huka nous émerveillent : toute la bande proche du littorale est désertique, façon far- Ouest ou Canaries, avec des couleurs hallucinantes, en arrière plan les montagnes sont luxuriantes. A l'approche du mouillage du Sud-Est, nous découvrons deux îles, l'une d'elle est plate, des milliers d'oiseaux y ont élu domicile, c'est devenue une réserve. Ils tourbillonnent au dessus et leurs cris stridents retentissent jusqu'à nos oreilles. C'est là que les habitants de Ua Huka viennent régulièrement ramasser leurs œufs, qui paraît-il sont fameux. L'accès se fait d'une falaise équipée d'une corde.



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Nous jetons l'ancre au pied d'une montagne rousse flamboyante, proche d'une plage.





Le mouillage rock and roll par excellence, nous réserve durant la nuit encore une autre surprise : de fortes rafales descendent avec une extrême violence. Nous sommes cul à la plage à quelques dizaines de mètres où les vagues déferlent. Nous n'avons aucunes marges de sécurité si l'ancre venait à riper, aussi notre esprit reste en alerte et oublie quelque peu le sommeil.












Le soleil est levé, un nouveau problème se présente : le débarquement à terre. Marco étudie un bon moment le déferlement, les séries et le meilleur endroit pour atterrir avec notre annexe à rames sur la plage. Cela n'empêche pas une arrivée fracassante où Marco de se fait rouler par une vague, le sac à dos avec ! Nous découvrons un lieu insolite.





Parachutés brusquement dans une petite vallée verte encadrée d'un désert montagneux, au milieu de chevaux sauvages, chèvres, cochons, de dégradés de couleurs terre, nos yeux ont du mal à faire la mise au point. Sur notre route des citronniers et manguiers à profusion croulant sous le poids des fruits.








Nous croisons deux cavaliers. Un homme et un enfant qui se rendent à leur cabane au sommet d'une montagne pour donner à boire à leurs chèvres. Leurs chevaux sont chargés de bidons d'eau. Nous convenons de leur rendre visite dès demain.


Nous poursuivons notre chemin afin de rejoindre le village de l 'autre côté de la montagne. Au sommet du col, une vallée verdoyante apparaît en contre bas avec une rivière et des toits.

L'eau fraîche du ruisseau est un véritable délice après ces heures de cagnasse sur notre calebasse. Encore un beau village et de véritables humains! Nous en profitons pour aller jeter un œil au mouillage du coin, mais en voyant les vagues déferler sur le quai et les barques à moteurs danser le houla oup ou la samba, nous sommes rapidement dissuadés d'y venir en bateau.


Venir à Ua Huka pose toujours problème aux navigateurs car les jours calmes au mouillage n'existent que très rarement. D'un autre côté, c'est peut être ce qui préserve ce lieu de beauté.


Une sorte de force sauvage se dégage de cette île, peut être est ce dû à cette nature indomptée ? 
Nous tombons littéralement sous le charme de cette nature rebelle : où ni poules, chèvres, cochons, chevaux n'ont été vraiment domestiqués, où les oiseaux ont leur royaume...


Même les arbres fruitiers sont libres de pousser où bon leur semble en dehors de toute clôture. La mer est comme une barrière naturelle, assurant la protection de ce lieu.



Le 24/09
Nous allons rendre visite aux cavaliers rencontrés hier. Après avoir traversé la vallée, le chemin escarpé sillonne sur une montagne très raide. Au sommet, le décors nous laisse bouche bée : vue sur la baie où nous sommes mouillés, avec les montagnes rouges, l'oasis vert formé par la petite vallée, la mer bleuté, les îles au loin... WAOUUU ! Sublime...





Nous retrouvons plus haut, nos cavaliers à leur cabane au bout du monde. Seules les chèvres et un cousin qui reste en permanence sur ce lieu pour surveiller le troupeau leur tiennent compagnie. Un des problèmes pour le troupeau est le manque d'eau, l’autre les attaques les fourmis rouges. Elles ont envahi les terres et font des ravages : elles mangent les yeux des bébés chevreaux ! Les bêtes sont donc soignées et mises dans un enclot et traitées contre les insectes le soir. Les deux hommes portent des tatouages marquisiens remarquables.

 J'ose leur demander si je peux les prendre en photo. Les tatouages, ici, sont de véritables ornements, un art, mais aussi une histoire. Dans ce contexte, ils apparaissent comme une marque propre à leur culture. Ces tatouages leur confère une distinction ; des dessins symboliques sont choisis en fonction du caractère de la personne et de ce qu'elle a accomplie, de ce qu'elle est.


Certains Marquisiens sont très impressionnants, je ne sais si leurs tatouages y sont pour quelque chose, ou si c'est leur personne digne et fière. Ils ont gardé une apparence de guerrier qui peut parfois intimider. Cependant dès que l'on fait connaissance, leur gros coeur transpire. Les Marquisiens sont des chasseurs, tout autant que pêcheurs. La chasse se pratique parfois au fusil, mais bien souvent, n'ayant pas d'arme à feu, ils utilisent les chiens et un simple couteau. On peut facilement imaginer que pour attraper une chèvre ou un cochon sauvage, il faut savoir courir et avoir une bonne maîtrise du couteau …

Aujourd'hui nous partons marcher au grand cratère. Un cercle de montagnes tient en son cœur d'immenses champs parsemés de cailloux où se trouvent des hordes de chevaux sauvages et de taureaux. 


L'herbe sèche a pris une couleur jaune paille, ce qui donne un contraste saisissant avec les roches noires, les montagnes aux teintes brun rouges...



 Le décor est éblouissant, une fois de plus. C'est un plaisir de voir ces bêtes en liberté, courir la crinière au vent. Un peu moins lorsque les taureaux nerveux s'approchent de nous !



 
Le 26/09
Le vent ne va pas tarder à tourner au Sud-Est et la houle se renforcer, ce qui n'est pas bon pour nous. La houle est déjà conséquente, alors que c'est soit disant calme, cela laisse imaginer la suite. Les missions pour aller à terre et revenir au bateau en annexe sont à chaque fois périlleuses ! Malgré une observation attentive, il arrive qu'une vague  nous surprenne et s'occupe de notre cas, ainsi que celui de nos sacs à dos. Surfer avec cet engin gonflable n'est pas très approprié, pourtant nous le testons en avant, en arrière, rempli d'eau, à l'envers... Nous sommes chanceux d'avoir pu profiter quelques jours de cette île merveilleuse d' Ua Huka.


Nous mettons cap au lever du jour sur Ua Pou. A peine avons nous fini de hisser les voiles, qu'un énorme Thazard vient mordre à notre ligne de traîne. 
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Il fait un peu plus d'un mètre, les repas sont assurés pour plusieurs jours. L'alizé est doux et pour une fois ça ne secoue pas trop ! Une navigation comme on les aime, si rare... En fin d’après midi les pitons d'Ua Pou apparaissent en crevant les nuages. Nous regagnons le mouillage du Nord-Ouest à leurs pieds. 


samedi 19 septembre 2015


Le 16/09/2015 

Il nous arrive parfois d'écouter le journal du soir à la radio. Ce soir le transistor grésille et nous entendons qu'un séisme vient d'avoir lieu au Chili et qu'un tsunami se dirige vers la Polynésie Français. La zone des Marquises est en alerte. Nous nous regardons Marco et moi avec des yeux qui semblent vouloir sortir de leurs orbites. Ayant une connexion téléphonique, Marco a la présence d'esprit d'appeler immédiatement le centre des secours en mer pour plus d'informations. Il lui est confirmé qu'entre 23h et 2h du matin un petit tsunami doit arriver sur les côtes Marquisiennes, on nous invite à lever l'ancre et partir au large pour attendre que les vagues soient passées. Cette idée  réveille instantanément un de mes pires cauchemars et des images de scénarios catastrophes défilent, avec à l'appui des documentaires et films relatifs à ce phénomène que ma mémoire à stockée. Le simple mot tsunami a des consonances destructrices, il n'a pas de taille dans mon esprit, gros, petit... il m'apparaît  comme une menace, un réel danger.
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«  Bon ben falloir lever l'ancre me dit Marco » « Et ben alors là, il n'en est pas question ! » « Tu seras bien plus en sécurité sur l'eau au large qu'à terre ! » « Peut être, mais je ne peux nous imaginer là, dans le noir, en pleine mer, attendant que des murs d'eau arrivent sur nous, tu vois pas l'angoisse ? Sans savoir ce qui va arriver en plus ! Non, je préfère aller à terre chez Lynda ! » «  Alors toi dès que les chosent se compliquent, tu quittes le navire, tu abandonnes le bateau ? » Je reconnais le professionnalisme de Marco et le soucis qu'il a de la sécurité du bateau, cependant je réalise que le bateau en cet instant est le cadet de mes soucis. Pendant que le ton monte, et que la confrontation va bon train, je prépare rapidement un sac en y fourrant le stricte nécessaire au cas où le bateau s'échoue : argent, papiers, lampe torche, une robe et une culotte ( à croire que la culotte est de l'ordre du vital!!) Il est étonnant de voir que finalement l'essentiel côté matériel tient dans un petit sac à dos. Il n'y a pas de panique juste une grande lucidité qui m'ouvre au constat suivant :  je préfère de loin mourir à terre en tentant de me sauver, quitte à grimper au sommet d'un cocotier, qu'en mer dans notre coquille de noix sans rien pouvoir faire ! C'est une question de choix !. Bon on en est pas encore là, mais ce genre de situation m'amène cependant à envisager le pire. Marco se plie de mauvaise grâce à ma décision. 

A peine avons nous rejoint le bord du rivage, qu'un gars dans un 4X4 vient vers nous. C'est la personne qui s'occupe des secours sur Hiva Oa. Il a entendu parler que nous nous trouvions à ce mouillage et il a traversé l'île pour venir nous informer. Il nous offre deux alternatives : soit aller au large avec le bateau, soit le laisser là au mouillage, mais nous ne devons pas rester à bord. Il pense que là où nous sommes (au Nord de l'île) cela devrait aller, par contre les autres bateaux au Sud à Atuona on dû impérativement quitter le mouillage. Un Marquisien dépêché par les gens du village arrive sur sa mobylette, lui aussi, pour nous prévenir ! Nous allons nous réfugier chez notre copine Lynda dont sa maison est légèrement sur les hauteurs. Elle nous accueille avec une bonne bière et nous papotons joyeusement jusqu'à 02h00 du mat. J'imagine un instant que si nous avions été sur l'eau dans l'attente et l'angoisse, la soirée n'aurait été pas du tout la même... Nous réalisons que le tsunami doit être passé, aussi, Marco va constater les dégâts. Tout est calme, tout va bien, pas de grabuges, le bateau est toujours à sa place, nous pouvons dormir tranquille dans un vrai lit qui ne bouge pas (chez  Lynda), en toute sécurité ! Que c'est bon parfois d'être dans une vraie maison !  Le tsunami fut de faible amplitude, il a était plus important au sud de l'île où le village s'est retrouvé les pieds dans l'eau. On en sait pas plus...  Ce genre de situation, nous amène finalement à voir notre façon d'être, d'agir et réagir, un moyen pour élargir la propre connaissance que nous avons de nous même. Une façon également, de nous rappeler à la fragilité de nos vies et combien elles méritent d'être bien vécues. Une pensée au Chili, vers ceux qui n'ont pas eu la chance de réchapper de ce séisme.

vendredi 4 septembre 2015



Le 23/08


Nous devions rester seulement quelques jours à Fatuhiva, finalement voilà 15 jours que nous profitons de ce lieu. La veille de notre départ nous retournons voir Gilles (chez qui Marco a réparé le congélateur) et nous repartons avec les bras chargés de régimes de bananes, oranges, citrons, mangues... Du bateau Marco pêche à la ligne une grosse bonite de plus de 3kg. Nos provisions sont faites. Une colonie de dauphins viennent dans la baie, faire leur dernier salut, mon plongeur va nager avec eux.
Au premier rayon de l'astre, nous levons l'ancre pour mettre cap sur Tahuata, l'île voisine à 40 miles.
La mer est agitée, les alizés nous poussent au grand largue. En arrivant à la pointe de l'île, nous découvrons de hautes roches noires striées d'orange. Le décor paraît assez austère avec ces couleurs sombres et ces montagnes abruptes tombant à pic dans la mer mouvementée. Une énorme dorade coryphène mord à la ligne de traîne, saute, se débat et se libère... Dommage !
En 8 heures nous sommes au mouillage d'Hapatoni, encerclés par des falaises abruptes et de hautes montagnes couvertes de végétation.



Marco a repéré des rochers pour plonger ainsi que quelques trésors à ramasser sous l'eau : de grosses porcelaines. Le ressac des vagues nous oblige à bien nous accrocher à la roche, sous peine d'aller valdinguer et s'érafler sur les cailloux. Nous pouvons admirer également une multitude de poissons, de gros oursins crayons verts...


Les eaux de cette baie abritent également des famille de dauphins. Toute la journée, ils évoluent autour du bateau nageant parfois avec nonchalance, respirant bruyamment. Certains plus jeunes nous font des show en sautant hors de l'eau, effectuant des sauts périlleux ou des triples vrilles...
Nous ne résistons pas à aller les voir de plus près sous l'eau et nager avec eux chaque jour. Leur déplacement gracile, sans aucun effort est fascinant. Ils évoluent à quelques mètres de nous, sans que notre présence ne les importune. Nous avons en permanence des spectacles inédits...







Nous nous rendons en annexe au petit village voisin, il doit y avoir une trentaine de maisons.
Le village est adossé à la montagne, entouré de forêt tropicale, tout fleurit et tout propre.



L'accueil des gens prend encore une autre dimension... Deux vieux sous un arbre sculptent dans du bois de rose de magnifiques objets. Nous nous asseyons un moment en leur compagnie et celle de Téhi ( un jeune), pour discuter.

Hapatoni est un lieu réputé pour la sculpture mais aussi les tatouages. Tous les habitants ici, ont la peau gravée de beaux ornements, retraçant leur histoire. L'un des vieux nous amène chez lui pour nous donner une brassée de pamplemousses, sa fille est en train de sculpter des Tikis en pendentifs sur os, son travail est remarquable de finesse. Le Tiki est la statue emblématique Polynésienne représentant leur ancienne divinité, elle a un pouvoir protecteur et porte bonheur.





Chaque personne rencontrée prend le temps de venir échanger avec nous quelques mots, le sourire et la gentillesse fleurissent leur visage.
Il émane de ces personnes quelque chose de doux et paisible, leur spontanéité est celle d'enfants, l'humour flotte et s'insinue dans leur parole, leurs yeux plein de candeur rayonnent comme des petits soleils. Prendre un tel bain d'humanité est exquis.
Un jeune couple passent : Marie et Jean. Elle nous dit que la seule épicerie du village est maintenant fermée depuis que le propriétaire( son père ) est en prison pour implication dans un trafic de drogue avec le Panama. Il est en taule à Papeete, pour deux ans, mais il aimerait bien y rester davantage car il s'y plait beaucoup ! Nourri, logé, un petit travail payé, des amis, et un établissement 4 étoiles, plus luxueux que leur maison.


Tehi veut faire du troque avec nous, nous négocions une combinaison de plongée, des lunettes de soleil contre des fruits... Ses yeux rieurs et pétillants, sa joie constante font de sa présence un véritable plaisir.
Ce soir nous sommes invités chez lui, Jean et Marie sont là aussi. L'accostage pour se rendre à sa maison se fait dans les rochers glissants au milieu des vagues. Nous attendons le bon moment entre les séries pour rejoindre le bord avec l'annexe ( sans moteur), mais sitôt le pied sur les cailloux, je glisse et me mets une bonne gamelle dans l'eau jusqu'au cou, me coinçant la jambe dans les roches...

La maison de Téhi ressemble plutôt à une cabane : ouverte aux 4 vents, un toit en tôle, et pour tout mobilier : un lit. ( L'intérieur des maisons en général est très très épuré, minimaliste même. Les pièces sont étonnamment vides, pas d'objets, pas de décorations, pas de meubles, si ce n'est un lit, une table et des chaises. )
Chez Téhi, table et chaises n'existent même pas, mais les cailloux ronds à l'extérieur les remplacent. Sur le feu de bois, une tôle est posée sur laquelle mijote une tête de cochon, des bananes...
Une ampoule suspendue à l 'arbre distille une lueur blafarde, heureusement que la lune généreuse distille davantage de clarté. C'est la lumière que Marie et Jean ont amené ce soir, elle fonctionne avec un petit panneau solaire, car bien évidemment il n'y a pas d'électricité, ni eau courante. Téhi est ravit de cet éclairage providentiel, mais il semble enthousiaste pour tout et encore plus, lorsqu'il voit que nous avons amené la bouteille de génépy de mon frère Rodolphe !
Marie nous convie à venir avec elle chercher de quoi remplir davantage nos assiettes. Nous rejoignons les cailloux glissants découverts par la marée basse avec nos frontales. Sur eux les limaces de mer se sont collés et Marie munie d'une pierre les décroche. A la limite des vagues, la fille de pêcheur ramasse des porcelaines, des crabes, elle a l'oeil, la dextérité et l'expérience... Elle tient à nous faire goûter cela immédiatement. Elle décolle le corps de la limace de sa carapace, le rince et nous le tend. La bête bouge encore lorsque nous plantons nos dents dedans. Tout comme le crabe qui remue ses pattes alors que nous le croquons... L'effet est assez surprenant, tout comme la texture caoutchouteuse de la porcelaine que nous mangeons cru. La pêche terminée, afin d'alléger le sac pour le retour, nous cassons les porcelaines avec un cailloux. Cela me fait mal au cœur de casser de si beaux coquillages, nous, qui avons fait des kilomètres aux Tuamotu pour en trouver 2...
Pendant tout ce temps, Téhi et Jean se sont occupés du feu et de la bouteille de Génépy, mais ils sont aussi allés pêcher des oursins crayons ( à la pleine lune, comme ce soir, ils sont bien remplis)
Au retour, le festin commence : poissons cuit ( que Marco a chassé), poisson cru, tête de cochon, limaces, crabes, oursins, bananes, riz, le tout arrosé de lait de coco... que des produits de la nature...
«  Ca c'est le repas Marquisien ! Demain si tu veux Marco on ira à la chasse, il faut que vous goûtiez à la chèvre au lait de coco... »
Pour l'instant nos panses sont si distendues que l'idée de la chèvre ne nous allèche guère. Celle de tuer une biquette encore moins .
On passe une super soirée ensemble. Téhi est toujours émerveillé, joyeux et plus encore en cette fin de soirée. La coutume des Polynésiens veut que toute bouteille ouverte soit terminée avant d'aller se coucher. Nous laissons Téhi et Jean s'en charger pendant que nous retournons à notre annexe et sa périlleuse mise à l'eau...




Le 30/08
Le lendemain après que Marco ait fait une installation de panneau solaire en donnant à Téhi un régulateur, nous levons l'ancre pour aller plus au Nord aux plages. Mouillage prisé pour le site. A peine avons nous mis notre pioche que les 2 locaux du lieu viennent nous voir pour nous demander de l'alcool et des cigarettes. Ils nous disent de venir manger sur le catamaran voisin sans nous donner vraiment le choix. Le couple de Français avec leurs deux filles nous accueillent gentiment à bord. Steven et Norbert les Marquisiens leur ont déjà torpillé une bouteille de Rhum et en demande une autre. Pendant que nous mangeons ils vident la deuxième, moi ces 2 types me font peur... L'alcool les rendent quelque peu agressifs, tout juste si je ne me fait pas engueuler car je n'arrive pas à prononcer des mots Marquisiens. Ils nous font tout un cinéma de spirit local en poussant des cris...
Dès que l'on peut, on s'éclipse, laissant nos pauvres Français se dépêtrer avec leurs hôtes envahissants. Valentin ( le Français) s'estime heureux qu'ils ne lui aient pas pété la gueule pour le remercier, il s'en est fallu de peu. Lui comme nous sommes contents de ne plus avoir d'alcool à bord, nous arrêtons ainsi de contribuer à l'alcoolisme... Triste constat de voir que partout dans le monde l'alcool est si recherché et fait tant de ravages !
Au réveil le lendemain, nous décidons de partir marcher vers une autre baie. Nous passons devant chez Steven qui nous arrête en nous demandant où nous allons. Sa gueule de bois est encore plus effrayante que la veille. Il nous dit que nous ne pouvons aller marcher sans être accompagné, il ne rigole pas le type ! Ok on reprend notre annexe et on se barre d'ici !
Steven sort de prison pour trafic de drogue, mais doit cultiver de l'herbe dans la forêt , sans doute est ce la raison de cette interdiction. Si jusqu'à présent, nous avons rencontré de gentilles personnes, lui n'en fait pas partit. Malgré son beau visage, il porte en lui la noirceur et une violence qui donnent la chair de poule. Il est là certainement pour nous rappeler que l'obscurité existe...


Nous mettons donc les voiles sur Hiva oa.

Une grosse houle du Sud est attendue et mieux vaut monter sur les côtes au Nord. Les caps sont souvent plus ventés et très vite nous devons faire face à un vent soutenu de 25 à 30 nœuds, nous obligeant à faire des bords de près serré. La houle nous arrête, on se traîne. Arrivé à hauteur du mouillage que nous convoitions, nous renonçons à y aller, trop de vent et de houle.
Nous poursuivons en espérant que les conditions à Hanaiapa soient meilleures. Il nous faut toute une journée de lutte contre le vent, les grains et la houle pour y arriver, en tirant bord sur bord.


Le mouillage est un peu plus protégé, mais il implique malgré tout, de mettre aussi une ancre arrière, et là, ça se complique... La chaîne se prend dans les coraux, Marco doit plonger maintes fois, on remouille, il replonge... Il faut recommencer l'opération encore dans la nuit ! Je gère le moteur, le guindeau, je donne du mou, reprends, veille à ce que la corde de l'ancre arrière n'aille pas se mettre dans l'hélice...
Heureusement que Marco a de bonnes apnées pour aller par 15 mètres soulever l'ancre, la replacer, décoincer la chaîne... Entre deux respirations il a le temps de gueuler, de jurer, de rouspéter... Moi j'aurais plutôt envie de pleurer, y a des fois, je me sens vidée de brasser ainsi, sans compter les doigts qui se coincent dans cette foutue chaîne, les cordages, les coups, les chutes dans la précipitation...
Naviguer est parfois éreintant, fatiguant, énervant...


Mais une fois posé dans un décor tel que celui-ci, l'ombre disparaît. Des arcs en ciel tombent dans l'eau à côté du bateau, l'intensité lumineuse est extraordinaire, la végétation s'infiltre dans nos rétines...
Le petit village est situé dans une belle vallée où poussent toutes sortes d'arbres fruitiers et de fleurs.
Nous nous arrêtons auprès des personnes que nous rencontrons pour discuter un peu. Un papy nous invite à boire une grenadine chez lui.

Pas la moindre épicerie, donc pas de possibilité de se ravitailler. Nous trouvons malgré tout du cresson sauvage sur le bord de la rivière et Marco chaparde un avocat, une mangue qui se trouvent à portée de main sur la route. C'est un peu le système D pour se nourrir, le poisson nous sauve toujours la mise. Nos régime de bananes ayant mûris tous en même temps, nous nous lançon dans la fabrique de bananes séchées.


Le 2/09
Une plage de sable se trouve à 2h de marche dans une baie. Le chemin serpente au bord de mer surplombant de hautes falaises. Cette côte étant exposée aux vents est très aride, des effluves de Provence nous chatouillent les narines.


Quelques orangers sauvages, manguiers et autres arbres particuliers poussent au milieu de ces terres désertiques. Des chèvres crapahutent dans ces rocailles et détallent en nous voyant.












Nous découvrons du haut, cette crique aux couleurs azures et une belle vallée verdoyante.


Nous rencontrons deux vieilles dames et un garçon handicapé qui vivent là, ils s'occupent du copra.
La plus âgée ne parle pas Français seulement le Marquisien, l'autre vient échanger quelques mots avec nous. Je suis immédiatement subjuguée par son regard transparent, ses yeux sont emplis de poussière d'étoile scintillante et de bonté. Ils vivent là, sans électricité, ni eau courante et une simple cabane réduite à un minimum de confort, si loin de tout.


Tant de décalage avec nos vies modernes, nous laisse songeur...

Demain nous allons à la « ville » Atuona pour tenter un ravitaillement ( le bateau est passé aujourd'hui, il ne faut pas tarder!). L'occasion d'aller saluer Jacques Brel et Gauguin qui dorment en paix dans ces lieux.