vendredi 4 septembre 2015



Le 23/08


Nous devions rester seulement quelques jours à Fatuhiva, finalement voilà 15 jours que nous profitons de ce lieu. La veille de notre départ nous retournons voir Gilles (chez qui Marco a réparé le congélateur) et nous repartons avec les bras chargés de régimes de bananes, oranges, citrons, mangues... Du bateau Marco pêche à la ligne une grosse bonite de plus de 3kg. Nos provisions sont faites. Une colonie de dauphins viennent dans la baie, faire leur dernier salut, mon plongeur va nager avec eux.
Au premier rayon de l'astre, nous levons l'ancre pour mettre cap sur Tahuata, l'île voisine à 40 miles.
La mer est agitée, les alizés nous poussent au grand largue. En arrivant à la pointe de l'île, nous découvrons de hautes roches noires striées d'orange. Le décor paraît assez austère avec ces couleurs sombres et ces montagnes abruptes tombant à pic dans la mer mouvementée. Une énorme dorade coryphène mord à la ligne de traîne, saute, se débat et se libère... Dommage !
En 8 heures nous sommes au mouillage d'Hapatoni, encerclés par des falaises abruptes et de hautes montagnes couvertes de végétation.



Marco a repéré des rochers pour plonger ainsi que quelques trésors à ramasser sous l'eau : de grosses porcelaines. Le ressac des vagues nous oblige à bien nous accrocher à la roche, sous peine d'aller valdinguer et s'érafler sur les cailloux. Nous pouvons admirer également une multitude de poissons, de gros oursins crayons verts...


Les eaux de cette baie abritent également des famille de dauphins. Toute la journée, ils évoluent autour du bateau nageant parfois avec nonchalance, respirant bruyamment. Certains plus jeunes nous font des show en sautant hors de l'eau, effectuant des sauts périlleux ou des triples vrilles...
Nous ne résistons pas à aller les voir de plus près sous l'eau et nager avec eux chaque jour. Leur déplacement gracile, sans aucun effort est fascinant. Ils évoluent à quelques mètres de nous, sans que notre présence ne les importune. Nous avons en permanence des spectacles inédits...







Nous nous rendons en annexe au petit village voisin, il doit y avoir une trentaine de maisons.
Le village est adossé à la montagne, entouré de forêt tropicale, tout fleurit et tout propre.



L'accueil des gens prend encore une autre dimension... Deux vieux sous un arbre sculptent dans du bois de rose de magnifiques objets. Nous nous asseyons un moment en leur compagnie et celle de Téhi ( un jeune), pour discuter.

Hapatoni est un lieu réputé pour la sculpture mais aussi les tatouages. Tous les habitants ici, ont la peau gravée de beaux ornements, retraçant leur histoire. L'un des vieux nous amène chez lui pour nous donner une brassée de pamplemousses, sa fille est en train de sculpter des Tikis en pendentifs sur os, son travail est remarquable de finesse. Le Tiki est la statue emblématique Polynésienne représentant leur ancienne divinité, elle a un pouvoir protecteur et porte bonheur.





Chaque personne rencontrée prend le temps de venir échanger avec nous quelques mots, le sourire et la gentillesse fleurissent leur visage.
Il émane de ces personnes quelque chose de doux et paisible, leur spontanéité est celle d'enfants, l'humour flotte et s'insinue dans leur parole, leurs yeux plein de candeur rayonnent comme des petits soleils. Prendre un tel bain d'humanité est exquis.
Un jeune couple passent : Marie et Jean. Elle nous dit que la seule épicerie du village est maintenant fermée depuis que le propriétaire( son père ) est en prison pour implication dans un trafic de drogue avec le Panama. Il est en taule à Papeete, pour deux ans, mais il aimerait bien y rester davantage car il s'y plait beaucoup ! Nourri, logé, un petit travail payé, des amis, et un établissement 4 étoiles, plus luxueux que leur maison.


Tehi veut faire du troque avec nous, nous négocions une combinaison de plongée, des lunettes de soleil contre des fruits... Ses yeux rieurs et pétillants, sa joie constante font de sa présence un véritable plaisir.
Ce soir nous sommes invités chez lui, Jean et Marie sont là aussi. L'accostage pour se rendre à sa maison se fait dans les rochers glissants au milieu des vagues. Nous attendons le bon moment entre les séries pour rejoindre le bord avec l'annexe ( sans moteur), mais sitôt le pied sur les cailloux, je glisse et me mets une bonne gamelle dans l'eau jusqu'au cou, me coinçant la jambe dans les roches...

La maison de Téhi ressemble plutôt à une cabane : ouverte aux 4 vents, un toit en tôle, et pour tout mobilier : un lit. ( L'intérieur des maisons en général est très très épuré, minimaliste même. Les pièces sont étonnamment vides, pas d'objets, pas de décorations, pas de meubles, si ce n'est un lit, une table et des chaises. )
Chez Téhi, table et chaises n'existent même pas, mais les cailloux ronds à l'extérieur les remplacent. Sur le feu de bois, une tôle est posée sur laquelle mijote une tête de cochon, des bananes...
Une ampoule suspendue à l 'arbre distille une lueur blafarde, heureusement que la lune généreuse distille davantage de clarté. C'est la lumière que Marie et Jean ont amené ce soir, elle fonctionne avec un petit panneau solaire, car bien évidemment il n'y a pas d'électricité, ni eau courante. Téhi est ravit de cet éclairage providentiel, mais il semble enthousiaste pour tout et encore plus, lorsqu'il voit que nous avons amené la bouteille de génépy de mon frère Rodolphe !
Marie nous convie à venir avec elle chercher de quoi remplir davantage nos assiettes. Nous rejoignons les cailloux glissants découverts par la marée basse avec nos frontales. Sur eux les limaces de mer se sont collés et Marie munie d'une pierre les décroche. A la limite des vagues, la fille de pêcheur ramasse des porcelaines, des crabes, elle a l'oeil, la dextérité et l'expérience... Elle tient à nous faire goûter cela immédiatement. Elle décolle le corps de la limace de sa carapace, le rince et nous le tend. La bête bouge encore lorsque nous plantons nos dents dedans. Tout comme le crabe qui remue ses pattes alors que nous le croquons... L'effet est assez surprenant, tout comme la texture caoutchouteuse de la porcelaine que nous mangeons cru. La pêche terminée, afin d'alléger le sac pour le retour, nous cassons les porcelaines avec un cailloux. Cela me fait mal au cœur de casser de si beaux coquillages, nous, qui avons fait des kilomètres aux Tuamotu pour en trouver 2...
Pendant tout ce temps, Téhi et Jean se sont occupés du feu et de la bouteille de Génépy, mais ils sont aussi allés pêcher des oursins crayons ( à la pleine lune, comme ce soir, ils sont bien remplis)
Au retour, le festin commence : poissons cuit ( que Marco a chassé), poisson cru, tête de cochon, limaces, crabes, oursins, bananes, riz, le tout arrosé de lait de coco... que des produits de la nature...
«  Ca c'est le repas Marquisien ! Demain si tu veux Marco on ira à la chasse, il faut que vous goûtiez à la chèvre au lait de coco... »
Pour l'instant nos panses sont si distendues que l'idée de la chèvre ne nous allèche guère. Celle de tuer une biquette encore moins .
On passe une super soirée ensemble. Téhi est toujours émerveillé, joyeux et plus encore en cette fin de soirée. La coutume des Polynésiens veut que toute bouteille ouverte soit terminée avant d'aller se coucher. Nous laissons Téhi et Jean s'en charger pendant que nous retournons à notre annexe et sa périlleuse mise à l'eau...




Le 30/08
Le lendemain après que Marco ait fait une installation de panneau solaire en donnant à Téhi un régulateur, nous levons l'ancre pour aller plus au Nord aux plages. Mouillage prisé pour le site. A peine avons nous mis notre pioche que les 2 locaux du lieu viennent nous voir pour nous demander de l'alcool et des cigarettes. Ils nous disent de venir manger sur le catamaran voisin sans nous donner vraiment le choix. Le couple de Français avec leurs deux filles nous accueillent gentiment à bord. Steven et Norbert les Marquisiens leur ont déjà torpillé une bouteille de Rhum et en demande une autre. Pendant que nous mangeons ils vident la deuxième, moi ces 2 types me font peur... L'alcool les rendent quelque peu agressifs, tout juste si je ne me fait pas engueuler car je n'arrive pas à prononcer des mots Marquisiens. Ils nous font tout un cinéma de spirit local en poussant des cris...
Dès que l'on peut, on s'éclipse, laissant nos pauvres Français se dépêtrer avec leurs hôtes envahissants. Valentin ( le Français) s'estime heureux qu'ils ne lui aient pas pété la gueule pour le remercier, il s'en est fallu de peu. Lui comme nous sommes contents de ne plus avoir d'alcool à bord, nous arrêtons ainsi de contribuer à l'alcoolisme... Triste constat de voir que partout dans le monde l'alcool est si recherché et fait tant de ravages !
Au réveil le lendemain, nous décidons de partir marcher vers une autre baie. Nous passons devant chez Steven qui nous arrête en nous demandant où nous allons. Sa gueule de bois est encore plus effrayante que la veille. Il nous dit que nous ne pouvons aller marcher sans être accompagné, il ne rigole pas le type ! Ok on reprend notre annexe et on se barre d'ici !
Steven sort de prison pour trafic de drogue, mais doit cultiver de l'herbe dans la forêt , sans doute est ce la raison de cette interdiction. Si jusqu'à présent, nous avons rencontré de gentilles personnes, lui n'en fait pas partit. Malgré son beau visage, il porte en lui la noirceur et une violence qui donnent la chair de poule. Il est là certainement pour nous rappeler que l'obscurité existe...


Nous mettons donc les voiles sur Hiva oa.

Une grosse houle du Sud est attendue et mieux vaut monter sur les côtes au Nord. Les caps sont souvent plus ventés et très vite nous devons faire face à un vent soutenu de 25 à 30 nœuds, nous obligeant à faire des bords de près serré. La houle nous arrête, on se traîne. Arrivé à hauteur du mouillage que nous convoitions, nous renonçons à y aller, trop de vent et de houle.
Nous poursuivons en espérant que les conditions à Hanaiapa soient meilleures. Il nous faut toute une journée de lutte contre le vent, les grains et la houle pour y arriver, en tirant bord sur bord.


Le mouillage est un peu plus protégé, mais il implique malgré tout, de mettre aussi une ancre arrière, et là, ça se complique... La chaîne se prend dans les coraux, Marco doit plonger maintes fois, on remouille, il replonge... Il faut recommencer l'opération encore dans la nuit ! Je gère le moteur, le guindeau, je donne du mou, reprends, veille à ce que la corde de l'ancre arrière n'aille pas se mettre dans l'hélice...
Heureusement que Marco a de bonnes apnées pour aller par 15 mètres soulever l'ancre, la replacer, décoincer la chaîne... Entre deux respirations il a le temps de gueuler, de jurer, de rouspéter... Moi j'aurais plutôt envie de pleurer, y a des fois, je me sens vidée de brasser ainsi, sans compter les doigts qui se coincent dans cette foutue chaîne, les cordages, les coups, les chutes dans la précipitation...
Naviguer est parfois éreintant, fatiguant, énervant...


Mais une fois posé dans un décor tel que celui-ci, l'ombre disparaît. Des arcs en ciel tombent dans l'eau à côté du bateau, l'intensité lumineuse est extraordinaire, la végétation s'infiltre dans nos rétines...
Le petit village est situé dans une belle vallée où poussent toutes sortes d'arbres fruitiers et de fleurs.
Nous nous arrêtons auprès des personnes que nous rencontrons pour discuter un peu. Un papy nous invite à boire une grenadine chez lui.

Pas la moindre épicerie, donc pas de possibilité de se ravitailler. Nous trouvons malgré tout du cresson sauvage sur le bord de la rivière et Marco chaparde un avocat, une mangue qui se trouvent à portée de main sur la route. C'est un peu le système D pour se nourrir, le poisson nous sauve toujours la mise. Nos régime de bananes ayant mûris tous en même temps, nous nous lançon dans la fabrique de bananes séchées.


Le 2/09
Une plage de sable se trouve à 2h de marche dans une baie. Le chemin serpente au bord de mer surplombant de hautes falaises. Cette côte étant exposée aux vents est très aride, des effluves de Provence nous chatouillent les narines.


Quelques orangers sauvages, manguiers et autres arbres particuliers poussent au milieu de ces terres désertiques. Des chèvres crapahutent dans ces rocailles et détallent en nous voyant.












Nous découvrons du haut, cette crique aux couleurs azures et une belle vallée verdoyante.


Nous rencontrons deux vieilles dames et un garçon handicapé qui vivent là, ils s'occupent du copra.
La plus âgée ne parle pas Français seulement le Marquisien, l'autre vient échanger quelques mots avec nous. Je suis immédiatement subjuguée par son regard transparent, ses yeux sont emplis de poussière d'étoile scintillante et de bonté. Ils vivent là, sans électricité, ni eau courante et une simple cabane réduite à un minimum de confort, si loin de tout.


Tant de décalage avec nos vies modernes, nous laisse songeur...

Demain nous allons à la « ville » Atuona pour tenter un ravitaillement ( le bateau est passé aujourd'hui, il ne faut pas tarder!). L'occasion d'aller saluer Jacques Brel et Gauguin qui dorment en paix dans ces lieux.

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